La rencontre
Les premières manifestations pleinement romaines font leur apparition au Gipuzkoa, il y a un peu plus de deux mille ans. Coïncidant avec le changement d'ère, elles arrivèrent précédées d'une série de hauts faits d'armes qui s'enchaînent depuis les disputes initiales entre romains et carthaginois, pour le contrôle de la péninsule ibérique, jusqu'au passage définitif de cet espace - l'espace guipuzcoan- dans l'orbite de Rome, suite aux avancées qui se produisent à partir de la vallée de l'Èbre, de l'Aquitaine et du territoire cantabre.

Il semblerait qu'Asdrubal et ses armées prirent le chemin des Gaules en direction de l'Italie en 208 ou 207 av. J.-C. Ils franchissent la partie occidentale des Pyrénées "par près de l'Océan" ainsi que le narrent Tite-Live et Appien. Ayant vaincu les Carthaginois, les généraux romains se lancent à la conquête de l'Hispanie, territoire qu'ils vont finir par dominer au fil des ans.

Quintus Sertorius fut gouverneur de la Hispania Citerior et resta loyal à son chef, Marius, dans un bras de fer de ce dernier resté fameux avec le Grand Pompée. Il donnera son nom aux guerres sertoriennes, de 77 à 72 av J.-C. Quand il se soulève contre Rome, il trouve un appui parmi diverses peuplades péninsulaires de la vallée de l'Èbre. En 75, Pompée venu en Hispanie pour y mater Sertorius, dut se retirer en territoire vascon quand il se trouva à court de vivres. Le même hiver, il fonda la ville de Pampelune (Pompeopolis).
Jules César pacifia les Gaules. L'entreprise se solda par plus d'un million de morts, comme le confirment des intellectuels de l'importance de Pline, qui ne voyaient guère d'un bon œil les méthodes du conquérant. En 56 av. J.-C., l'un de ses généraux, Publius Crassus, se battit contre les Aquitains, lesquels requirent l'aide de leurs voisins péninsulaires. La coalition fut défaite et, au lendemain de la bataille, la majeure partie de l'Aquitaine se rendit au romain.

Finalement, Octave qu'on nomma Auguste, vint en personne pour en finir du dernier nid de résistance en Ibérie. Les Cantabres furent attaqués à la fois par terre et par mer. Ils furent définitivement réduits en 19 av. J.-C.; Auguste sut habilement profiter du triomphe, pour le convertir en un acte de propagande fort utile à ses intérêts. Ainsi fut instaurée la fameuse Pax romana.

Dans cette période de deux siècles, les occupants autochtones sortent peu à peu de l'anonymat. Les romains ne manquent pas d'observer leurs coutumes peu civilisées, la rusticité de leurs modes de vie et leur caractère guerrier, pour mieux souligner l'effet avantageux des contacts sur cette situation d'inculture et de sauvagerie, qu'ils mettent au compte de la rudesse du climat et de la situation écartée du territoire. Ils rapportent qu'ils se nourrissaient de glands, la majeure partie de l'année. Que c'est à peine s'ils consommaient de vin et buvaient de bière. Ils précisent qu'ils étaient affublés de tenues simples. Que dans leurs festins, ils mangeaient en groupes. Qu'ils utilisaient des embarcations rudimentaires et que leurs cultes étaient primitifs. Cependant, ils prennent soin de mentionner une voie de communication qui, venant de Tarragone, aboutissait aux ultimes villages vascons sur la côte, à Irun. Plus tard -au milieu du Ier siècle- les sources se référeront à des Vascons, Vardules et Caristes vivant dans l'espace qui recoupe les limites actuelles du Gipuzkoa.
L'horizon pré-romain

Les vingt dernières années de recherches archéologiques axées sur la période antérieure à l'arrivée des romains au Gipuzkoa offrent une série de résultats qui obligent à la réflexion. On a cerné deux réalités culturelles distinctes et contemporaines (Peñalver, 2001); l'une qui s'exprime à travers des cercles de pierres, ou cromlechs, de caractère funéraire; l'autre le fait à travers des villages fortifiés situés sur des hauteurs dominantes, les castros. La zone des cromlechs s'interrompt brusquement dans la vallée de Leizaran, pour se développer entre ce point et les contreforts des Pyrénées, jusque non loin d'Andorre. Occupant une bande montagneuse ayant de 5 à 40 km de large, ils reflètent -pense-t-on- l'existence d'un groupe humain différencié que l'on peut identifier, par les références géographiques évoquées, comme le groupe des vascons. La frontière de la région de Leizararan n'est guère éloignée de la limite occidentale de cette tribu, si l'on prend en compte les mentions des géographes de l'époque romaine. Les villages fortifiés, pour leur part, bordent la frange sur laquelle sont présents les cromlechs, tant au Gipuzkoa (Intxur à Albiztur, Buruntza à Andoain, Basagain à Billabona, Muñoandi à Azkoitia-Azpeitia, Murugain à Aretxabaleta-Arrasate-Aramaiona.) qu'au Labourd, en Basse-Navarre ou en Soule. Ce sont des établissements stables de grandes dimensions -le castro d'Intxur, par la surface qu'il occupe, se situe parmi les villages les plus étendus de son temps. Ils disposent d'emplacements stratégiques renforcés de murailles et de larges fossés; dans la zone protégée se trouvent les habitations occupées par des gens qui se consacrent à l'agriculture et à l'élevage, et qui connaissent le travail du fer. Parmi leur mobilier, on a reconnu certains éléments caractéristiques du monde celtibère, quoique faiblement représentés. A ce même contexte "celtique" peut appartenir une stèle funéraire mise à jour à Meagas qui partage certains traits avec d'autres témoignages apparus sur la côte de Biscaye.

Ces gens ne paraissent ni aussi isolés ni aussi incultes que les présentent les sources; en revanche, ils sont distribués géographiquement suivant les règles générales qui découlent des descriptions laissées par les narrateurs romains. Le Gipuzkoa, à cette époque, s'avère un point de contact entre les confins de plusieurs sphères culturelles: Aquitaine, vallée de l'Èbre, monde pyrénéen et territoire cantabre. La Bidassoa marque la limite avec les peuples d'Aquitaine. Entre ce cours d'eau et le Leizarán s'étendent les cromlechs qui se prolongent vers les Pyrénées, coïncidant avec le domaine vascon; limitrophes avec ces derniers, apparaissent les villages fortifiées, auxquels on suppose des connexions méridionales avec le monde celtibère et vers l'Ouest, la rivière Deba séparait les Vardules des Caristes, lesquels s'étendaient jusqu'au Nervion. Chacune de ces deux peuplades étendaient leurs domaines vers le Sud, atteignant le bassin de l'Èbre. Vascons, Vardules et Caristes seraient les registres nous permettant d'identifier dans les textes romains les occupants de ce qui constitue, à ce jour, le territoire du Gipuzkoa, tout en marquant les jalons qui les font entrer dans l'Histoire.


Le calendrier
Les premières influences. 80 av. J.-C -10 av. J.-C

Tout au long de ce dernier siècle qui précède notre ère, au Gipuzkoa se produit la transition qui va aboutir à la domination romaine. On constate, en premier lieu, les symptômes d'une relation d'influence, qui finira par faire place, avant la fin de l'ère, aux témoignages indiquant l'intégration à l'ordonnancement romain.


Coïncidant avec les escarmouches des guerres sertoriennes, dans la grotte de Usastegi à Ataun furent cachées plusieurs monnaies d'argent qui constituaient pour l'époque un petit trésor. Il s'agit de huit deniers ibériques frappés à Baskunes (pièce qu'on identifie avec le territoire des Vascons ou avec Pampelune), Turiasu (Tarazona) et Segobrices (Cabeza del Griego, Cuenca). Tous respectent un étalon déterminé, puisque portant la représentation d'un visage chevelu, côté face, et un cavalier en armes, côté pile. Ils répondent à des modèles qui reflètent de nouvelles habitudes commerciales résultant de la conquête romaine, même si se maintiennent les attributions natives. Dans le cas d'Ataun, ils dénotent l'existence de transactions avec la vallée de l'Èbre, outre qu'ils constituent la preuve la plus ancienne dont on dispose au sujet de l'influence de Rome dans le territoire guipuzcoan.


D'environ l'an 10 (12 à 6 av. J.-C.) date une monnaie à l'effigie d'Auguste découverte à l'occasion des fouilles de la rue Beraketa à Irun (1997). Elle est accompagnée d'autres trouvailles de l'époque d'Auguste, retrouvées dans les environs immédiats de l'église paroissiale de Juncal; c'est, notamment, le cas de plusieurs pièces de vaisselle fabriquée dans des ateliers de poterie italiques. Avec elles commence la série d'apports matériels qui transformeront les modes de vie des foyers de population les plus significatifs, au sein desquels se reproduira le modèle urbain développé et implanté par Rome dans son expansion géographique. Pour preuve tangible de cette série de transformations qui se produisent autour du changement d'ère, on peut signaler la stèle d'Andrearriaga; une borne en pierre qui a marqué la démarcation communale entre les communes d'Oiartzun et d'Irun, depuis le XVe siècle, au moins. Il s'agirait d'une stèle funéraire sur laquelle est mentionné un personnage qui a pris un nom commun latin mais qui est accompagné de sa filiation indigène : Valerio, fils de Belteson, indiquant le lien entre des conceptions pré-romaines et de nouvelles références latines ou romaines.
L'essor. 10 av. J.-C -70 ap. J.-C

Coïncidant avec la soumission des tribus cantabres, on assiste à l'implantation lente mais continue d'éléments culturels romains dans l'estuaire de la Bidassoa. Les caractéristiques des témoignages donnent à penser qu'ils sont la conséquence d'actions qui proviennent du côté septentrional des Pyrénées, en liaison avec un foyer d'influence aquitain, lié -probablement- au campement militaire de Saint-Jean-le-Vieux à Donibane Garazi (Saint-Jean-Pied-de-Port). La raison de l'intérêt romain semble à corréler avec l'activité des mines d'argent des environs d'Aiako Harria, dont l'exploitation coïncide avec celle de l'or alluvionnaire de l'Errobi, aux alentours des mines d'Itsassou, en Soule, ainsi qu'avec les mines d'argent des Aldudes. Le travail dans les mines devait viser à l'obtention de métaux précieux, ce qui demande une main d'œuvre abondante pour faire face aux travaux d'extraction, requérant d'importants mouvements de terre et une planification complexe. Les approvisionnements devaient provenir de Bordeaux, port d'où se répartissaient les produits du bassin de la Garonne, dont les vaisselles du site potier de Montans.

Dans le cas qui nous occupe, la présence de sigillata de Montans sur les bords de la Bidassoa tourne court en 70, pour être remplacée par de la sigillata de la Rioja. Ce changement dans la provenance des produits céramiques dénote une altération au niveau des foyers d'influence, qui se transportent vers la vallée de l'Èbre. Il s'accompagne d'autres événements historiques dont les conséquences ne vont pas tarder à se généraliser au-delà de la Bidassoa et de la frange côtière du Gipuzkoa.
Les années de prospérité. De 70 à 190

L'histoire de Rome, à partir des origines de la cité, est marquée par las conspirations, les assassinats politiques et la brutalité comme moyens de s'emparer du pouvoir. Avec l'instauration de l'Empire, à l'époque d'Auguste, la succession des empereurs donne lieu à des intrigues de toute nature, pour garantir la continuité des candidats au sein de la famille. Tibère fut un homme marqué à vie pour avoir été contraint de divorcer de sa première femme, qu'il aimait, et d'épouser la fille d'Auguste; la démence de Caligula s'explique par le traumatisme que lui causa l'assassinat de ses frères et la mort de sa mère, exilée sur ordre de Tibère sur l'île de Pandataria où elle se laissa mourir de faim. Claude fut choisi alors qu'il se trouvait dissimulé par hasard derrière un rideau quand il fut découvert par les prétoriens qui cherchaient un successeur à Caligula, suite aux débordements de ce dernier et dans la crainte d'un retour à la République. Néron, lui aussi, fut perturbé par les conditions de son enfance. Orphelin de père à trois ans et éloigné de sa mère, le Sénat le déclara ennemi public et décréta sa mort. Il se suicida alors avec l'aide de son secrétaire. Ainsi prend fin la dynastie instaurée par Auguste imperator, dynastie des julio-claudiens. Après une parenthèse de moins d'un an, ouverte par la guerre civile, elle est remplacée par Vespasien qui reçoit le soutien des légions d'Orient. Ce dernier est âgé de 60 ans quand il est nommé empereur. Il va régner dix ans; ses fils Titus et Domitien lui succèdent, dans cet ordre, complétant la dynastie que l'on connaît sous le nom de dynastie flavienne.

Á Vespasien on lui doit les initiatives qui favorisèrent le développement commercial et économique dont profitèrent la côte basque et les territoires de l'atlantique. Si aux temps de Claude fut entreprise la conquête de la Bretagne, avec Vespasien la flotte romaine débarque sur les côtes de l'Ecosse. En 73-74, il octroya, de plus, le droit latin à toute l'Hispanie. Selon ce droit, qui va se trouver appliqué graduellement à partir de la date de concession, ceux qui exerçaient une charge publique dans l'administration municipale, se voyaient accorder la citoyenneté romaine. Ce qui favorisa le développement des villes. En fonction de cette nouvelle dynamique, les intérêts romains se réorientent au Gipuzkoa, donnant une impulsion au port d'Irun, Oiasso, lequel cessera d'être une place économique exclusivement basée sur les exploitations argentifères pour ajouter à cette fonction d'autres missions plus importantes, qui lui feront acquérir le rang de port régional dans la région du Golfe de Gascogne. Il s'agit, en réalité, d'une transition habituelle en vertu de laquelle l'économie des territoires conquis cesse d'être axée sur l'appropriation des ressources naturelles, comme moyen de financer les frais de l'occupation, pour se dédier à produire des excédents, en transformant les structures de production.

En l'an 97, le Sénat nomme Nerva empereur et la nouvelle dynastie antoninienne, qui va rester en place jusqu'en 192, fut l'artisan de l'apogée de Rome. Néanmoins, la fin de cette étape verra le préambule de la crise qui éclatera au IIIe siècle. Avec elle s'initie l'étape de décadence.
Pendant toutes ces années, la civitas d'Oiasso ne perd rien de son dynamisme. Elle se dédie aux échanges commerciaux dans un vaste espace couvrant les terres de la rive gauche de la Garonne, la vallée du cours moyen de l'Èbre, les contreforts occidentaux des Pyrénées et, par la côte, l'espace compris entre Bordeaux et Santander, à peu près. Le commerce au long cours était également représenté, quoique de manière ponctuelle. On a connaissance d'importations qui arrivaient de méditerranée orientale, de la Bétique ou du Golfe de Narbonne. Par ailleurs, le reste de la côte guipuzcoane paraît tirer parti de la bonne conjoncture. Il en va de même des zones de l'intérieur, ainsi que le confirment les découvertes d'Eskoriatza ou d'Urbia.


Le déclin et la décadence. 190-305

Ayant surmonté la guerre civile, Septime Sévère parvient à
former une nouvelle dynastie, celle des Sévères. À sa mort,
Caracalla et Geta, ses fils, lui succèdent. Il aura d'autres
continuateurs jusqu'à Sévère Alexandre. Caracalle donne en 212
la citoyenneté romaine à tous les habitants de l'Empire. La
période de troubles se prolonge presque jusqu'à la fin du
siècle. On la connaîtra sous le nom d' Anarchie militaire
.
Les empereurs se succèdent. Ils doivent leur pouvoir aux armées.
Il en ira ainsi jusqu'à ce que Dioclétien, d'origine humble,
parvienne à réorganiser le gouvernement et à rester au pouvoir
pendant plus de 20 ans. Mais la situation est irréversible. Le
morcellement des domaines impériaux, les problèmes avec les
tribus barbares et le mouvement chrétien vont miner les piliers
du système romain jusqu'à le rendre méconnaissable. L'Hispanie
se retrouve organisée en diocèses qui dépendent de la préfecture
de la Gaule. Juliobriga (Reinosa), Veleia (Iruña de Oca) et
Lapurdum (Bayonne) deviennent siège d'un tribun de cohorte, un
haut dignitaire militaire. Dans le même temps, on les dote
d'importantes fortifications défensives. Jusqu'au port d'Oiasso
continuent d'arriver des produits d'Afrique du nord, mais les
échanges se sont amenuisés comme peau de chagrin.

Le Bas-Empire: 305-476

Constantin permet le culte chrétien, en 312, et Théodose l'élève au rang de religion d'Etat en 380. Avec cet empereur, les Goths parviennent à prendre pied à l'intérieur de l'Empire, entre Balkans et Danube, à charge pour eux d'assurer le "limes" danubien; les évêques réclament la supériorité du pouvoir religieux sur celui de l'empereur. Celui-ci finit même par être excommunié et l'on assiste, finalement, à la division de l'Empire entre ses deux fils: l'Orient pour Arcadius, l'Occident pour Honorius. Après la partition, Vandales, Alains et Ostrogoths envahissent l'Occident. Circonstance dont profite le chef goth Alaric pour assiéger Milan et arriver à Rome. Une nouvelle invasion se produit le jour de l'an 406; profitant de ce que le Rhin se trouve pris dans les glaces, Vandales, Suèves et Alains arrivent au pied des Pyrénées qu'ils franchissent pour entrer en Hispanie. Peu à peu, le seul territoire qui restera sous pouvoir impérial sera l'Italie. Mais en septembre 476, l'empereur Romulus Augustulus voit Odoacre, un officier de la garde impériale, fils d'un roi barbare, soulever les troupes de la dernière flotte romaine qui le proclament roi d'Italie.

Ces transformations ont leur trace dans les preuves archéologiques découvertes au Gipuzkoa. C'est à peine si la vigoureuse Oiasso des I et IIe siècles montre quelque signe d'activité économique dans ces derniers siècles. Les quais de son port paraissent inactifs; la piscine des thermes sert de lieu d'habitation, probablement à usage du bétail, et les monuments funéraires de son cimetière, à l'abandon, tombent en ruines. Getaria aussi semble dépeuplée. En revanche, on assiste à un significatif retour de l'habitat dans les grottes, probablement en raison de la réactivation des pâturages. La source saline de Dorleta, à Leintz Gatzaga et l'établissement sidérurgique de la colline d'Arbium à Zarautz sont les deux seuls sites de production en activité, que l'on sache, pendant cette période. De plus, parmi les témoignages matériels, comme dans le cas des pièces de monnaie ou de la vaisselle dérivées de la sigillata, se trouvent des symboles chrétiens qui font référence au nouveau courant religieux dominant.
On ne laisse d'être frappé par le brusque affaissement de l'horizon romain à partir du Ve siècle. De fait, la situation géographique du territoire présente de grands inconvénients, face aux attaques barbares tant du fait de sa proximité des voies de communication -notamment le passage des Pyrénées- que de sa position côtière. En 428, l'Aquitaine est livrée aux Goths; en 449, Recchiaire -roi des Suèves- met à sac la Vasconie; en 455, des vaisseaux hérules attaquent les côtes cantabres et vardules; en 473, Goderic, comte des Goths, entre par Pampelune avant de conquérir Saragosse et les villes voisines.
Géographie romaine du Gipzukoa
Les citations historiques, sans être spécialement abondantes (Strabon, Pline, Pomponius Mela, Ptolémée...), servent à connaître le nom de divers établissements d'une certaine importance. Le plus renommé est celui de la polis (civitas: ville) d'Oiasso, en territoire vascon, sur le littoral, à l'extrémité de la voie provenant de Tarraco (Tarragone). En poursuivant vers l'Ouest, en territoire vardule, se situent les oppida (lieu fortifié) de Morogi, Menosca (cette dernière sur les bords de la rivière Menlakou) et Vesperies, ainsi que la polis de Tritium Tuboricum. Puis vient la rivière Deba, dont le cours marquait la frontière entre Vardules et Caristes, comme on l'a dit plus haut. De cette série, seul a été identifié l'emplacement d'Oiasso, à Irun, qui s'avère le seul débouché sur la mer de la tribu des Vascons, dont les territoires s'étendaient vers les Pyrénées; n'importe lequel des oppida signalés peut correspondre à l'un ou l'autre des castros récemment découverts. En revanche, pour Tritium Tuboricum, que l'on suppose baignée par le Deba, on ne dispose que des interprétations qui la mettent en relation avec la commune de Mutriku, suivant des considérations phonétiques.

Quant aux démarcations administratives, en territoire guipuzcoan se situait la limite entre les conventus juridiques de Clunia et de Cesaraugusta. Le conventus juridique est une division qui voit le jour aux temps de César, mais qui est définie et fixée à l'époque de Claude. Il constitue une unité administrative, politique, juridique et religieuse. Celles-ci perdirent leur raison d'être avec la réforme de Dioclétien vers l'an 288. Vardules et Caristes relevaient du conventus ayant pour capitale Clunia (Coruña del Conde, Burgos), alors que les vascons dépendaient du Conventus de Caesaraugusta (Saragosse). Tous faisant partie de la province de Tarraconensis, ancienne province de Citerior rebaptisée par Auguste.

L'archéologie romaine au Gipuzkoa, pour sa part, a considérablement enrichi les informations disponibles et permis d'ajouter à la liste, ces dernières années, un bon nombre d'établissements. Les fouilles de la colline d'Arbiun, une petite éminence qui surplombe l'anse de Zarautz, a mis en évidence l'existence d'une occupation humaine liée à l'industrie du fer qui se développa au IVe siècle et qui, en quelque sorte, serait à mettre en relation avec les découvertes antérieures de Getaria, que l'on évoquera plus loin, et du centre même de Zarautz, dans lequel ont été localisées des monnaies et autres vestiges romains. Dans ce même environnement, dans le quartier d'Elkano, vient d'être découvert un nouveau gisement qui coïncide avec celui d'Arbiun dans lequel, parmi son mobilier, on ne trouve pas d'objets importés mais appartenant à une culture matérielle peu évoluée. A l'autre bout du Gipuzkoa se situent les découvertes d'Urbia et de Léniz. Dans le premier cas, on dispose de plusieurs témoignages d'habitat du Haut-Empire, des Ier et IIe siècles, à l'air libre qui sont à mettre en relation avec la vocation pastorale de l'endroit. De fait, la vallée d'Urbia, au pied de la Sierra d'Aizkorri, à 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer, offre peu d'alternatives aux établissements saisonniers. Il est très possible que la pierre d'autel d'Oltza, que l'on dit rapportée de Zalduendo, pour l'incorporer à la structure d'une maison de berger, puisse être mise en relation avec les témoignages cités. En tout cas, les connexions de cet espace avec la Llanada alavaise semblent claires; concrètement avec la cité d'Alba, à San Román de San Millán. De même, dans les environs immédiats du changement de versant et près de la limite avec l'Alava, on a reconnu les dépôts romains associés à la source d'eau salée de Leintz Gatzaga; bien que l'on cite dans la bibliographie l'apparition d'un denier ibérique dans cet environnement, les mobiliers archéologiques récupérés sont très postérieurs, puisqu'ils datent environ des IVe et Ve siècles, et même plus tardifs. À ce scénario de bordure géographique il conviendrait de rattacher les informations anciennes sur l'apparition de monnaies à Idiazabal et à Ataun, outre une bague en or portant une intaille, qui reproduit l'aigle impérial, dans la forteresse de Jentilbaratza de cette même commune (il est très possible que la pierre de facture romaine ait été enchâssée sur la monture en or en des temps médiévaux); ou l'apparition, à des dates plus récentes (1986) de l'inscription funéraire de l'ermitage de San Pedro, à Zegama, à proximité d'une ancienne voie d'accès menant à la sierra d'Aizkorri.

Quant au phénomène d'occupations des grottes, comme dans le cas de Jentiletxeta II (Mutriku), Ermittia (Deba), Ekain IV(Deba), Amalda (Zestoa), Anton Koba (Oñati), Aitzgain (Oñati), Sastarri IV (Ataun) et Iruaxpe III (Aretxabaleta), on ne peut qu'être frappés de le voir assigné aux IVe et Ve siècles, autrement dit à la fin de la période. L'occupation des cavernes dans cette étape n'est pas seulement propre au Gipuzkoa dans la mesure où on la retrouve abondamment dans d'autres géographies, tant des environs (en Navarre, Alava, Biscaye ou La Rioja) que de zones plus éloignées. La généralisation de ce type de manifestations a donné pied à diverses théories qui prennent en compte le caractère de refuges occasionnels devant les problèmes de l'époque, le travail dédié à l'activité pastorale ou à des aspects de type religieux.
Reste le groupe des objets romains qui sont récoltés dans les centres urbains; tout d'abord, ce fut Eskoriatza, en 1982, puis ont suivi Donostia-San Sebastián et Tolosa. La tonalité générale est qu'ils apparaissent hors de leur contexte d'origine, formant partie de dépôts qui appartiennent à des phases modernes de l'occupation de la population.

En guise de récapitulation au sujet des données romaines du Gipuzkoa, en l'état actuel des recherches, il convient d'en souligner la distribution sur les bords du territoire. La côte marque l'une des lignes de concentration comme résultat de sa relation avec une voie maritime de cabotage qui longeait le golfe de Gascogne. Une autre des références s'inscrit dans le Sud, aux environs immédiats du changement de versant, connectant avec la Llanada et la Burunda par lesquelles transitait la voie reliant Pampelune à Briviesca, tandis que la plus grande aire d'occupation se concentre dans l'estuaire de la Bidassoa, autour de la civitas d'Oiasso. De toute manière, si les informations historiques dont on dispose étaient le fidèle reflet de la réalité, dans ce territoire existeraient deux polis et trois oppida, outre une respectable série d'établissements reconnus au plan archéologique. Le calcul en soi est frappant; si l'on y ajoute la condition de surface réduite du territoire guipuzcoan et la certitude que le nombre de découvertes ne manquera pas de grandir à l'avenir, l'horizon qui se profile n'a rien d'exceptionnel dans le cadre de l'Empire. Sur un seul aspect, on s'éloigne de ce qui représente habituellement la norme; la faible représentation de l'épigraphie, avec deux seules inscriptions funéraires, en est le manque le plus remarquable.
Les transformations

Si l'on ne constate pas un intérêt spécial de la part des romains pour l'espace guipuzcoan, hormis pour ce qui touche à l'exploitation de ses ressources minières, la fourniture de soldats pour ses armées, le recouvrement des taxes ou les voies de communication, maritimes et terrestres, il faut admettre que l'intégration dans ses domaines apporta en soi des changements substantiels dans les habitudes d'une partie de ses habitants. On le vérifie surtout dans les zones dans lesquelles des modes de vie urbains furent instaurés. De fait, les villes peuvent être considérées comme les principaux agents de transmission des modèles romains, dans la mesure où l'on y trouvait centralisées les fonctions qui permettaient de garder opérationnelle la trame administrative établie par les dominateurs.
Les chercheurs s'accordent sur un point, en ce qui concerne les régions septentrionales d'Ibérie, à savoir que les indigènes enrôlés dans les troupes légionnaires, une fois licenciés -au bout de 25 ans de service- ont contribué au développement de la vie urbaine de leurs lieux d'origine. Compte tenu de la présence de nombre de soldats vardules et vascons dans les troupes situées en Bretagne ou sur le Rhin, il est très possible qu'ils fussent les protagonistes dans la formalisation de modes de vie urbains dans notre géographie.

L'application du modèle urbain romain suppose des changements dans l'architecture, dans l'aménagement de l'ensemble bâti, dans les activités économiques et dans la mentalité des gens. En matière d'architecture, on voit s'étendre l'usage de la brique et de la tuile, des bétons, des mortiers spécialisés et l'on introduit des solutions de construction comme la voûte et l'arc. La construction en bois s'améliore également. On l'utilise assidûment, alors que la pierre est destinée à des édifices significatifs et emblématiques. La forge, avec la fabrication des différents clous et goujons nécessaires, les renforts, les outils de chantier et les finitions participe, également, des modifications, avec le personnel, formé pour réaliser les nouvelles solutions, les fournisseurs de matières premières, les commerçants et les transporteurs.

Dans l'aménagement, il est mis en œuvre des modèles de trame régulière réticulée, articulée autour du réseau de voirie, de la place ou de l'espace public et les terrains lotis pour des constructions. On les ceinturait d'une limite, soit palissade, soit muraille, ce qui accrédite l'existence d'une enceinte différenciée, jouissant de privilèges; avec le temps, il fut nécessaire de fortifier ces limites symboliques afin de faire face aux incursions et aux attaques. Les voies par lesquelles passent les routes de communication qui traversent les établissements sont les rues principales, empierrées -en règle générale. Abandonnant la zone urbaine, ces voies continuent de jouer leur rôle dynamique, servant à la création de faubourgs dans le cas d'une expansion de la localité ou comme élément référentiel pour l'établissement de cimetières. Le forum, espace ouvert flanqué de bâtiments, et de plan rectangulaire, est lieu de la relation sociale, de marché, d'activités publiques et de cérémonies.
Oiasso

Par Ilerda (Lérida) et Osca (Huesca) passe la voie qui, de Tarraco (Tarragone), aboutit aux derniers villages vascons implantés non loin de l'Océan, tant dans la région de Pompelon (Pampelune) que dans celle d'Oiason, ville du bord même de l'Océan. Cette voie mesure 2.400 stades et ne va pas au-delà de la frontière entre Aquitaine et Ibérie. Strabon, livre III.4.10. Entre 29 et 7 av. J.-C.
La rivière Magrada ceint Oeason. Pomponius Mela, livre III.1.15. Années 43-44 de notre ère.
La largeur de la péninsule ibérique de Tarragone jusqu'à la côte d'Oiarso est de 307.000 pas. en partant des Pyrénées et en suivant le rivage de l'Océan nous trouvons la forêt (ou le col de montagne) des vascons, Olarso. Pline l'Ancien. Histoire naturelle, livre III.3. 29 et 30. Milieu du Ier siècle.
Parmi les vascons : la ville d'Oiassó et le promontoire Oiassó. Coordonnées: 15º 10'; 45º 05'. 15º 10'; 45º 50'. Ptolomée, Géographie, II.6. Milieu du IIe siècle.

Irun, à l'heure actuelle, est un nœud de communications internationales. Tête de pont pour les connexions entre la péninsule et le continent européen, y aboutissent la ligne ferroviaire qui vient de Madrid et la ligne à voie étroite qui, par tronçons successifs, emprunte le bord de la corniche cantabrique; les réseaux de routes nationales 1 et 240, provenant respectivement de Madrid et Tarragone, la nationale 634 qui se prolonge jusqu'en Galice, l'autoroute A-8, qui conduit à Bilbao et Santander.A ce point se rejoignent les routes pour franchir la Bidassoa et continuer via Hendaye en direction de Bordeaux et Paris, mais aussi vers Toulouse et ses multiples connexions avec la Méditerranée ou le couloir rhodanien, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie. Il s'agit, en réalité, du passage occidental de la chaîne montagneuse des Pyrénées, passage naturel qui sert, également, aux oiseaux migrateurs dans leurs déplacements. Irun est, de plus, la légataire d'Oiasso, civitas des vascons et cette relation se retrouve dans son nom, comme il en va pour Pampelune qui s'appelle, également, Iruña ou avec l'ancienne ville de Veleia, la troisième Iruña de la géographie basque. Irun-Iruña et autres Iliberris ou Irunberris qui jalonnent la géographie romaine d'Hispanie et des Gaules (dans la Bétique et dans la Narbonnaise) serait le terme générique sous lequel on désignerait les zones urbaines, les cités, pour les distinguer d'autres catégories de population.

Pendant de longues années, on a cru qu'Oiartzun était la commune sur laquelle se situait Oiasso. Mais les découvertes des trente dernières années ont corrigé cette identification et il n'y a plus d'excuse pour continuer à maintenir cette localisation. D'abord, ce furent des données isolées obtenues dans les années soixante-dix du siècle passé au cap du Figuier et sur la place du Juncal, suivis -un peu plus tardivement- de la découverte du cimetière romain de l'ermitage de Santa Elena. Des années plus tard, dans les années 80, on identifie des exemples de mine romaine dans ses environs et, au début des années quatre-vingt-dix, l'aire portuaire. Toujours dans les mêmes années sont identifiés, enfin, des témoignages de la cité -restes des thermes et de bâtiments résidentiels. Pour autant que l'on sache, la civitas romana se situait dans le quartier historique, dans l'espace compris entre la mairie et la commune de Beraun, dans une zone élevée et entourée, pour l'essentiel, par les eaux de l'estuaire; exploitant cette circonstance s'étendaient à cet endroit les quais d'un port d'une grande vitalité. Les données obtenues lors des fouilles des zones portuaires des rues Santiago et Tadeo Murgia ont servi à déterminer que les quais étaient construits en bois, s'adaptant au relief, accrochés aux flancs de la colline, dans la zone de contact avec les eaux. Les embarcations y remontaient, indépendamment de l'état de la marée. On transportait les marchandises jusqu'aux entrepôts, situés à proximité des quais. Les produits qui s'étaient abîmés au cours du voyage étaient jetés dans les eaux de l'embarcadère. Ce qui, s'ajoutant aux rejets de déchets urbains, acheva de colmater les voies d'accès aux quais. L'établissement urbain couvrait quelque 15 hectares et on lui suppose un plan régulier distribué en rues, pâtés de maisons, bâtiments et espaces publics. Le cimetière s'étendait en dehors des limites de la ville, coïncidant avec une des issues principales de la ville. L'influence de cette civitas atteignait, au moins, les deux rives de l'estuaire, jusqu'à l'embouchure. On connaît des manifestations de cette période dans l'enceinte fortifiée de Fontarabie, à proximité immédiate de la plage d'Ondarraitz (Hendaye), sur le mont San Marcial, au Jaizkibel et au pied du château de San Telmo, dans l'anse du Figuier.

Les habitants d'Oiasso jouissaient d'un niveau de vie équivalent à celui d'autres agglomérations urbaines de l'Atlantique. Ils observaient le régime alimentaire imposé par les us et coutumes romaines, les habitudes de toilette, d'habillement et de loisirs; ils partageaient les rites funéraires et les fêtes religieuses; ils connaissaient l'écriture latine et se dédiaient au commerce et à l'artisanat, sans oublier l'extraction minière, la pêche et les activités dérivées de sa situation stratégique dans le réseau des voies. On a récemment découvert les restes d'un pont qui servait à relier les deux rives de la Bidassoa. Ce qui confirme sa condition de nœud de communications dans l'antiquité, mettant en rapport l'Aquitaine et l'Ibérie et distribuant le trafic par le réseau qui confluait à cet endroit, au gré de ses diverses ramifications et orientations. Sa condition portuaire lui confère, par ailleurs, une position importante sur la route de cabotage qui longeait la côte. Ce qui la situe comme référence de premier ordre entre les ports de Bordeaux (Burdigala) et Santander. On doit situer l'âge d'or de la civitas d'Oiasso entre les années 70 et 150 de notre ère.
La vie urbaine
Le commerce

Conserves de poisson, bois, peaux, lingots d'argent, de plomb ou de fer, outre des produits obtenus dans les territoires environnants, ont dû être au centre des transactions réalisées dans la zone de la Bidassoa. Les opérations doivent être gérées par une classe urbaine dédiée au commerce. On ne produit pas directement. Ce sont des négociants qui tirent parti d'un environnement favorable dans lequel les poids et mesures, ainsi que le système monétaire, étaient homologués dans l'Empire tout entier. Il en va de même des contenants, c'est-à-dire, les amphores, qui se présentaient sous des tailles et formats normalisés. Mais dans la ville, il y a une abondante main d'œuvre artisanale, libre ou esclave, verriers, forgerons, tisserands, potiers. qui peuvent se dédier à la fabrication en série destinée au marché extérieur et au marché intérieur. Et il y a une large base sociale, représentée par ceux qui assistent les uns et les autres, à côté d'un bon nombre de serfs à demeure, qui se chargent de la corvée d'eau potable, cuisinent, réparent, cousent ou cultivent le potager. Tous ces derniers ont besoin, en tout cas, d'aliments de base qui ne sont pas obtenus en ville, quoiqu'ils disposent de certains légumes, d'arbres fruitiers et d'animaux domestiques pour leur propre consommation. Le commerce, comme on le voit, est l'une des activités emblématiques du temps, sachant que dans le port d'Oiasso des échanges se réalisaient au plan régional. Au vu des documents dont on dispose, on s'aperçoit qu'il arrivait des produits en provenance de la Ribera et de La Rioja, des environs de Saintes, au nord de Bordeaux, ainsi que d'autres régions liées au trafic fluvial sur la Garonne. Occasionnellement, il arrivait également des marchandises apportées par des réseaux commerciaux au long cours. Tel est le cas de marchandises acquises dans la Bétique, sur les côtes du golfe de Narbonne, en Italie, en Afrique du nord ou, même, en méditerranée orientale. Les importations, en règle générale, peuvent être quantifiées à 30% du mouvement du port, dans un rayon d'action axé sur le Golfe de Gascogne. Dans ce contexte maritime, Oiasso devait drainer le commerce des territoires de l'intérieur, pour englober la rive gauche de la Garonne et le cours moyen de l'Èbre, grâce à l'association entre le port et le réseau de communications terrestres qui devait contribuer à canaliser le flux commercial dans le sens du réseau de voirie, en empruntant les routes signalées plus haut.
Artisans.
Parmi les milliers d'objets collectés lors des fouilles du port d'Oiasso, on a retrouvé de petites portions de lingots de verre brut. On sait que la majeure partie de la production de ce matériau se réalisait sur les côtes d'Asie mineure. La raison en était la qualité des sables de cette région, de par leur contenu en silice, qui le rendait particulièrement adapté à ces fins. Il en était élaboré de grande quantités. Les sables étaient fondus et le résultat solidifié en blocs que l'on coupait ensuite afin de pouvoir les acheminer par bateau jusqu'en Occident. Quelle que soit l'origine des lingots découverts à Oiasso, il est clair que ceux-ci nous indiquent l'existence d'artisans qui les transformaient en objets quotidiens: bouteilles, verres, assiettes, pots à onguents, etc. Certes, on n'a pas trouvé trace des ateliers dans lesquels travaillaient ces verriers. On suppose néanmoins qu'ils se situaient en dehors de l'espace urbain ou dans une zone en lisière de la ville. De fait, la proportion d'éléments de verre dans le mobilier de la population, très importante, compte une variété conséquente de vaisselle. Les couleurs du verre sont diverses, allant des teintes blanchâtres aux teintes sombres. Les tons bleutés et verdâtres sont dominants et montrent d'abondantes irisations. Ces artisans usaient des techniques habituelles, soufflage et moulage. On connaît, par ailleurs, un exemple exceptionnel de verre taillé montrant la représentation d'un visage en profil d'une figure féminin dans laquelle on devine la coiffure, très recherchée, les traits du visage et même la présence d'une boucle dans le lobe de l'oreille.
Une présence qui ne fait pas de doute est celle des forgerons; de l'un, on connaît même les outils et un stock de broquettes. Ces dernières, conservées dans une marmite, étaient enfouies au pied des fondations d'un bâtiment. Ce qui advint, à ce qu'il paraît, au premier siècle de l'ère, dans l'espace aujourd'hui occupé par la rue Beraketa, l'une des plus anciennes d'Irun, sans que l'on sache le motif de l'occultation. Dans l'ensemble de ses instruments, il y avait une lime et deux petites enclumes pour la fabrication de clous. A côté, se trouvaient plus d'une centaine de pièces de toutes tailles et de toutes formes. Les unes, courtes et à grosse tête arrondie, les broquettes mentionnées plus haut, d'autres longues et terminées en pointe à tête carrée dont on pense qu'elles devaient servir à assembler des poutres de construction. Le processus d'élaboration devait être le suivant: à partir d'une barre de fer, l'artisan devait l'étirer dans la forge, en la chauffant pour obtenir des tiges plus fines proportionnelles aux objets qu'il désirait élaborer. Une fois qu'il avait obtenu ces tiges, le métal étant porté au rouge, il devait couper des pièces de la taille des clous ou des broquettes dont il martèle les extrémités pour leur donner forme de pointe. Lors du processus suivant, il devait fabriquer les têtes, en introduisant les tiges aiguisées par l'orifice de l'enclume et en frappant avec le marteau sur l'extrémité opposée.
La forge représente l'ultime maillon de la chaîne sidérurgique. Le premier est marqué par les travaux de réduction, lors desquelles on obtient la masse de fer à forger; suivent les opérations de raffinage jusqu'à obtention d'un métal compact, de qualité homogène, le lingot, auquel il est normalement donné forme de barre. Les forgerons se chargent de transformer ces barres en outils variés : couteaux, lances, cloches à bétail, socs, anneaux ou clous. Ils se chargent également des réparations.
La poterie est une autre activité qui semble devoir être associée à l'environnement urbain d'Oiasso. On n'en a encore découvert ni les ateliers, ni les fours. Mais les études réalisées sur les milliers de fragments de pots collectés pointent dans cette direction. Si l'on écarte les articles importés, le reste, même s'il s'agit d'exemplaires aux formes et finitions diverses, montre une série de caractéristiques communes dans la composition des pâtes. Ces coïncidences s'expliqueraient par le recours aux mêmes sources d'approvisionnement en matières premières et une tradition potière commune dans l'élaboration des terres et des récipients. A ces références de manufacture, il faudrait encore ajouter la propre organisation de l'industrie potière de l'époque, qui disposait de sites de production régionaux destinés à l'approvisionnement des environs immédiats; lesquels coïncident habituellement avec les grosses bourgades du territoire.
Vie quotidienne



La généralisation des paiements en monnaie, la standardisation des poids et mesures, ne sont qu'un exemple entre d'autres des profondes transformations qui s'opèrent à partir du changement d'ère. Les modèles d'autoconsommation et de subsistance antérieurs se diluent dans une société urbaine qui base son existence sur des activités économiques opérant à des échelons régionaux, non seulement locaux et régionaux; mais même internationaux, comme on l'a vu. En ce qui concerne les mentalités, on ne doit guère s'étonner que les citoyens libérés de la contrainte de produire ce qu'ils mangeaient, se dédiant à obtenir des ressources qui leur permettent d'assurer leur subsistance et de retirer des bénéfices, regroupés de manière stable dans un espace délimité, mettent en œuvre de nouvelles habitudes de relation et de convivialité. Si l'on tient compte du fait que le droit romain commence à s'implanter à partir de l'année 74, il faudrait accepter l'existence d'une organisation municipale qui devait rendre la justice en première instance, recouvrer l'impôt et maintenir le culte impérial. A Oiasso, ayant affaire à une ville frontalière, entre Aquitaine et Tarragonaise, il est possible qu'existât, de plus, un portorium, pour la gestion des droits de péages et de transport. Dans une telle approche, on ne peut esquiver la condition esclavagiste du système économique romain qui dépendait de la main d'œuvre de cette condition pour garder actifs ses secteurs productifs. Les esclaves non seulement étaient préposés aux tâches les plus ingrates mais ils étaient également introduits dans le reste des occupations habituelles, qui vont de la sphère domestique au commerce, en passant par l'éducation.

Le mobilier d'ameublement se limitait au strict nécessaire. Placards creusés dans les murs, niches, sols dallés et fresques murales focalisent l'attention décorative des demeures, alors que les meubles se réduisent aux éléments essentiels, couche, coffres, tabourets, éléments d'éclairage, de toilette ou de chauffage. La cuisine était le séjour le mieux équipé, les récipients céramiques étant les ustensiles les plus abondants. On les utilisait pour contenir des liquides, pour cuisiner et servir les repas, comme garde-manger, pots de fleurs, etc. L'offre locale comprenait un service courant dans lequel figuraient marmites, assiettes et écuelles. La marmite était employée pour la cuisson des aliments, comme l'indiquent les marques de feu à la base et la présence de couvercles qui s'ajustent aux bords, quoique, suivant les dimensions, on pouvait les utiliser, également, pour les stocker. L'assiette et l'écuelle devaient être utilisés à table. De plus, on connaît d'autres répertoires, de sorte que dans la civitas même d'Oiasso, on pouvait obtenir les modèles les plus généralisés d'assiettes, verres, marmites et jarres. Il est fait état de jarres à bouillir ou bouilloires qui, comme leur nom l'indique, servaient à faire bouillir de l'eau, probablement à usage d'infusions, ainsi que de la présence d'amphores locales. Le haut de gamme des récipients provient, cependant, d'autres territoires. Tel est le cas des mortiers à préparer les condiments, qui doivent être extrêmement résistants aux chocs ou les plats pour enfourner la pâte, prévus pour supporter de hautes températures et éviter l'adhérence. Ainsi que des services de table, la fameuse terra sigillata. Initialement, on consommait des sigillatas de Montans, comme on l'a dit, mais avec l'essor des ateliers de Tricio dans les environs de Najera, ce seront les sigillatas de la Rioja qui monopoliseront le marché d'Oiasso. De cette vaisselle, qui en arrive à représenter 15% de la consommation céramique de la ville, on connaît une large variété de plats, coupes, écuelles et verres. La table était complétée par d'autres services. La fonction du service à boire était assurée par des verres et coupes à "parois fines" élaborées dans une pâte extrêmement fine qui leur donne leur nom. Ils proviennent, en majorité, de deux régions de production. L'une au nord, au-delà de l'embouchure de la Garonne dans la région de Saintes, l'autre au SE, dans la Ribera de Navarre.

Pour s'éclairer dans l'obscurité des chemins et des lieux publics comme dans les cérémonies religieuses, on utilisait des torches imprégnées de substances inflammables. Dans la maison, l'éclairage se réalisait au moyen de bougies (candelae) et de petites lampes à huile (lucernae); ces dernières étaient utilisées isolément ou par ensembles composés de plusieurs unités. Les lampes constituent l'une des réalisations les plus authentiques de la plastique romaine, et deviennent le reflet des goûts populaires. En elles coïncident un faible coût (on les fabriquait en terre, en utilisant un moule), une grande diffusion, le caractère de produit de base, la fragilité et le fait qu'il s'agissait d'un support idéal pour transmettre des modèles figuratifs. Les lampes tiennent dans la paume d'une main mais, malgré leur taille réduite, elles disposent de la surface suffisante pour motiver le dessin et les formes. On en trouve ornées de motifs végétaux ou géométriques, et d'autres, traitées à la manière de clichés figuratifs. Représentations d'animaux, bustes de dieux, scènes de lutte, érotiques, etc.; qui devaient être sélectionnées par l'acheteur suivant son sens de l'esthétique.
Le régime alimentaire
Grâce à l'existence d'un commerce régional canalisé à travers le port maritime d'Oiasso, les fournitures d'huile, de céréale et de vin deviennent indissociables de la vie urbaine. Ordinairement, on recourait aux contrées viticoles de la Gironde (Bordeaux), aux zones productrices d'huile de l'Èbre, et aux grandes plaines à grain de l'Adour, de la Garonne et de l'Èbre. A l'occasion, on faisait venir l'huile, très appréciée, de la Bétique, le vin du Golfe de Rosas et, très exceptionnellement, des produits de méditerranée orientale. On n'écarte pas la possibilité de cultures locales de céréale, la présence de vignobles ou l'utilisation de graisses animales, en dehors d'autres huiles végétales, mais destinées à une propre consommation qui ne pouvait garantir les besoins de toute la communauté. Dans le régime alimentaire quotidien figure, de plus, une grande variété de fruits, soit frais soit secs: noix, noisettes, faines, glands, pignons, figues, prunelles, prunes, cerises ou griottes, raisins, olives, mûres, amandes et pêches, ces dernières en abondance. Beaucoup étaient cueillis dans les environs, venant tant des forêts de hêtres et de chênes que de plantations introduites par les romains. C'est le cas des pruniers, figuiers ou cerisiers; d'autres, comme les olives et les amandes, sans compter les pignons et même les pêches, provenaient d'échanges commerciaux.
La viande que l'on mangeait était surtout du porc, qu'on
alternait avec la viande de mouton, de chèvre et de vache. Les
premiers étaient engraissés dans les rouvraies qui entouraient
la ville. On les gardait en troupeaux, de même que les moutons
qui disposaient de leurs propres pâtures. Les hauteurs
environnantes garantissaient le pâturage en été, tandis que le
bord de mer devait être l'alternative en hiver. Pour les bovins,
on peut penser à des formules similaires qui ne sont pas
contradictoires avec l'existence de bétail en stabulation. La
fourniture de lait et les travaux agricoles justifient cette
modalité qui peut même être mise en œuvre dans la zone urbaine.
Poules, poussins, poulets et coqs firent également partie du
paysage urbain, de même que les chiens et les chevaux. En dehors
des animaux domestiques, la chasse était une autre source
d'approvisionnement en viande. Elle permettait d'améliorer
l'ordinaire en mettant sur la table cerfs, lièvres et gibier à
plume.

Le poisson également était habituel, de même que les fruits de mer. On note à cet égard, les grosses quantités d'huîtres consommées. La variété d'aliments est complétée par des cultures potagères, parmi lesquelles, on a pu le vérifier, le céleri et l'arbousier. Mais on a également connaissance de l'utilisation de plantes médicinales comme la menthe et la verveine.
L'habillement
Par les témoignages obtenus, on déduit que filature, tissage et couture étaient des pratiques habituelles. On utilisait des fibres végétales, le lin, et des fibres animales, la laine. La matière première était tissée au moyen de fuseaux métalliques et des fusettes généralement en céramique. Ces dernières étant généralement réalisées en céramique. Ensuite, on tissait sur des métiers en bois. Le plus commun à cet égard était le métier vertical à poids, dont l'invention remonte à l'âge de bronze. Puis on coupait simplement et l'on cousait à la main, à l'aide d'aiguilles et de dés à coudre. Pour ceindre au corps, on se servait de ceinturons, d'épingles et de broches.
On chaussait les prototypes habituels au monde romain. La majeure partie des échantillons retrouvés correspondent à la partie inférieure de la chaussure, c'est-à-dire à la semelle. On en conserve des pièces entières et des fragments isolés. On trouve dans ceux-ci des spécimens de chaussure cloutée, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agissait de sandales ou de bottes, et de chaussure cousue, tant de forme pointue qu'arrondie.
En ce qui concerne la coiffure, il faut signaler que sa fonction n'était pas exclusivement d'améliorer l'image personnelle mais que c'était principalement une question d'hygiène, contribuant au déparasitage. Les peignes, en bois, portaient deux rangées de dents, une de chaque côté. On les taillait d'un seul tenant, en partant d'un nerf central ou axe. D'un bout sont disposées les dents les moins séparées, ayant une distance infime entre elles, qui servaient à retirer les insectes; de l'autre, on a la rangée à plus larges espacements, qui devait servir à l'entretien de la coiffure. Les cheveux longs étaient attachés par des rubans, on tressait et l'on ramassait le cheveu en chignons en se servant de peignes, d'épingles en métal ou de petites aiguilles finies en tête arrondie. Ce sont les "acus crinalis" ou aiguilles à cheveux, la plupart du temps confectionnées en os.


L'usage de bijoux était répandu. Habituelles étaient les boucles d'oreille en bronze, ainsi que les boucles en or à motifs ajourés, ornées de verroteries ou d'incrustations de pierreries ou de pâte vitreuse. On portait des ornements attachés au poignet ou bracelets (arnillae), colliers (monilia) et chaînes (catena) desquelles pendaient des amulettes fréquemment associées aux superstitions populaires. On se parait, de plus, d'anneaux (annuli) sur lesquels étaient parfois gravés des emblèmes personnels ou qui avaient, enchâssées, des intailles élaborées en pierres précieuses, aux motifs allégoriques ou mythologiques.
Le niveau de vie


Il y a toute une série d'aspects de la culture matérielle mise à jour dans la civitas d'Oiasso qui transcendent les références habituelles et contribuent à montrer une série de comportements que nous pouvons considérer comme indicateurs d'un niveau de vie développé. Remarquable est, en ce sens, la collection de graphites collectés sur des récipients céramiques (traits réalisés au moyen d'objets pointus lors d'une étape postérieure au processus de fabrication) qui sert à démontrer l'usage de l'écriture et de l'alphabet latin parmi les habitants de la polis. On ne peut également manquer d'être frappés par un lot de petites cuillers et d'applicateurs en liaison avec la préparation et l'application de poudres et d'onguents. Las petites cuillers sont extrêmement fines, dotées d'une partie creuse à faibles dimensions, et les applicateurs ressemblent à des bâtonnets cylindriques, sauf pour un exemplaire qui pourrait faire penser à une sonde d'usage médical. Dans ce même cadre, il nous faut faire allusion à une tessère. Terme employé en numismatique pour désigner les objets dont l'aspect est clairement ou vaguement celui de monnaies, réalisées généralement en métal. Ces pièces étaient employées dans l'antiquité comme monnaies de fonction, l'équivalent de jetons ou de tickets d'entrée dans les théâtres, les thermes ou autres lieux publics, pièces pour compter dans les jeux, sauf-conduits ou attestations de paiements et de services, entre autres fonctions qui ne nous sont pas bien connues.

Les loisirs

La population passait ses moments perdus à pratiquer divers jeux. Certains d'entre eux ont perduré jusqu'à nos jours sans modifications. Ils étaient d'une grande variété, tant pour les enfants que les adultes. On citera les jeux gymnastiques, la toupie, les billes, la pelote, les osselets, la marelle, le pair/impair, le jeu de pile ou face, les dés et le ludus latrunculorum ou jeu du soldat. Ce dernier était fort en vogue parmi les soldats, d'où son surnom. Il s'agit d'un jeu de stratégie, à mi-chemin entre les échecs et les dames, qui requérait 36 fiches (18 de chaque couleur) et un damier. Mais les jeux les plus appréciés des adultes étaient les dés et les osselets. Ceux-ci, en dehors de constituer un passe-temps, servaient à engager d'importants paris, tant en biens qu'en argent.


Écologie


Dans cette évocation des changements et transformations, on ne peut omettre les impacts environnementaux et les altérations écologiques, dus à l'intensification de l'exploitation de la forêt, à l'extension de l'arboriculture - avec l'introduction de nouvelles espèces, ou aux effets contaminants de l'extraction minière. A eux seuls, les approvisionnements en bois, soit de construction soit comme combustible dans les opérations d'obtention d'argent et dans les travaux du fer, se sont traduits en une réduction significative de l'extension des forêts; en ce qui concerne la plantation d'arbres fruitiers, nombre de documents de semences inventoriées lors des fouilles d'Oiasso constituent les premières références de leur existence dans le cadre péninsulaire. La présence de pruniers, figuiers et, même, de cerisiers, tend à indiquer -outre l'introduction (et la culture) d'arbres aux caractéristiques inconnues pour l'époque dans le milieu naturel du territoire, l'application de méthodes d'amélioration et de sélection des espèces. Quant aux indicateurs de contamination, surprenants s'avèrent les concentrations de plomb dans les dépôts de l'estuaire de la Bidassoa associées à l'habitat romain. Celles-ci sont à corréler avec l'activité minière, concrètement avec les déchets de minéral stérile, le lavage et la décantation des minéraux destinés à l'obtention d'argent.
L'exploitation minière
Ce sont 400 hommes travaillant pendant 200 ans, disent les calculs, qui auraient été nécessaires pour ouvrir toutes les galeries d'origine romaine. Ces dernières, longues de quelque 15 km., se trouvaient dans la réserve minière d'Arditurri, à Oiartzun. Les chiffres peuvent être exagérés. Mais il est clair que les extractions de minerai d'argent (galène argentifère) furent très intensives à l'époque et qu'elles s'étendaient au-delà d'Arditurri, dispersées à travers d'autres régions du Gipuzkoa. Pour l'heure, les déterminations archéologiques indiquent que tous les environs d'Aiako Harria, de Bera de Bidasoa à Irun, furent l'objet d'exploitation. On peut en dire autant d'autres gisements de moindre importance situés dans les environs du massif de Cinco Villas ou de Udala. Il se peut, à mesure de l'avancement des recherches, que soit confirmée la supposition selon laquelle la majeure partie des filons exploités à l'époque moderne, qui ont été nombreux (quoiqu'il n'en reste aucun en activité à ce jour) fussent connus -et mis en valeur, à l'initiative des romains.

La mine romaine présente des caractéristiques particulières: les galeries en sont étroites et en forme de voûte, les parois reçoivent une finition que leur donne un soigneux travail au pic et, à certains intervalles, un creux est aménagé pour déposer les lampes d'éclairage. Bien taillés, s'ils sont pentus, les sols disposent d'échelons pour faciliter les déplacements. Ils sont aisément identifiables, comparés aux travaux de périodes postérieures, moins soigneux. A ce jour, on en a catalogué deux douzaines d'exemplaires - ce qui permet de déterminer certains aspects relatifs à la planification et aux conditions d'exploitation.

Pour localiser les filons, on se servait à l'époque, outre d'observations de la végétation et de la surface, de galeries qui, empruntant de fortes pentes, traversaient les strates superficielles jusqu'à découvrir la veine. Quand ils l'atteignaient -en cas négatif ou de faible importance du filon, les travaux étaient abandonnés- on perçait une autre galerie de tracé horizontal par laquelle on procédait à l'extraction du minéral et on le sortait de la mine. Suivant les caractéristiques du filon, il était possible de percer plusieurs galeries d'exploitation, en évitant -dans la mesure du possible, d'avoir à étayer. Ce qui obligeait à laisser inexploitées des parties de la mine.

Pour le percement les galeries, on utilisait une méthode qui a été courante dans la mine jusqu'à l'application des explosifs. Plus connue sous le nom de torréfaction, elle consiste à faire du feu avec du bois tout près de la roche et à laisser celle-ci chauffer. De la sorte, la roche se fendille et éclate en morceaux. Après quoi, on travaille au pic de mineur, pour finir la forme des galeries.
Le minerai était nettoyé de ses impuretés et broyé pour sélectionner les particules de plus grande pureté. Puis on le mettait à décanter dans des bassins à eau. La fonte était fabriquée à proximité de la mine. Dans la mesure où la galène est un minerai de plomb à haute proportion d'argent, la première fonte donnait pour résultat un produit dans lequel les deux métaux, argent et plomb, se présentaient mélangés. Une seconde opération, la coupellation, séparait l'argent du plomb. On ignore tout de la condition des travailleurs des mines, s'ils étaient libres, serfs ou esclaves; s'ils dépendaient de l'armée ou de compagnies qui avaient obtenu de l'Etat la concession des exploitations. Au vu des mobiliers archéologiques retrouvés à l'intérieur des mines, on pense généralement que les exploitations d'Aiako Harria avaient commencé déjà à l'époque d'Auguste et que l'extraction se poursuivit de manière intensive pendant tout le Ier siècle de notre ère. Par la suite, il est possible que la production ait chuté ou même que les mines furent laissées à l'abandon au profit de sites plus productifs. De fait, elles tombèrent pratiquement dans l'oubli jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Elles furent alors redécouvertes par un ingénieur allemand, Juan Guillermo Thalacker, qui fut appelé par la famille Sein d'Oiartzun pour remettre en exploitation les mines d'Arditurri. Fin connaisseur de la plupart des mines romaines de la péninsule, il rédigea un rapport. Celui-ci, publié en 1802, décrivait les caractéristiques des galeries et les mettait sur le même plan que celles de Carthagène, Léon ou Rio Tinto. Son rapport fit autorité et devint une référence pour tous ceux qui se dédièrent à demander des concessions minières à la fin du XIXe. Identifiant, en effet, les travaux romains, ils accédaient aux filons qui n'avaient pas été épuisés, pour les remettre en exploitation. Mais pour ce faire, il leur fallait élargir les galeries, détruisant au passage les vestiges anciens; dans ce contexte, ils arrivèrent à exploiter les scories de plomb abandonnées qui contenaient toujours de l'argent en quantités suffisantes pour rentabiliser l'opération consistant à les transporter jusque la fonderie installée dans la baie de Pasaia, sur le site des Capuchinos. Ainsi s'explique la disparition d'un legs archéologique qui, s'il était demeuré tel qu'il fut conçu aux temps de Rome, ferait à coup sûr partie des références historiques des guipuzcoans.
La pêche et les conserves de poisson
Le pêche jouait un rôle important dans l'économie romaine, autant que la production de céréales, de vin ou d'huile. De cette activité, dépendait dans une large mesure la subsistance de la population. Frais, ou en conserve, le produit de la pêche trouvait sa place pratiquement dans toutes les cuisines. Présent dans celles des plus riches, pour les espèces les plus appréciées, le poisson était également d'une consommation habituelle parmi les classes les moins favorisées. Les sauces de poisson étaient une autre alternative de consommation. On les trouve dans la plupart des recettes de l'époque, et l'on en connaît -au moins- quatre sortes différentes: garum, hallec, muria et liquamen. La première était la plus appréciée. On l'obtenait par fermentation naturelle des viscères du poisson. L'antiseptique employé, le sel, avait pour fonction d'éviter la putréfaction. On préparait la sauce à partir d'une infinité de variétés, tant de grande taille -dans le cas du thon- que plus petites. Le mélange de sel se faisait à raison d'une dose de sel pour huit de poisson. Puis on laissait sécher, plusieurs semaines, au soleil. La pâte était remuée chaque jour et, pour finir, on tamisait à plusieurs reprises de manière à obtenir une sauce claire qui était mise en amphores en vue de son transport et de sa commercialisation.

Les côtes d'Hispanie, dans la zone méditerranéenne et littoral atlantique, du nord de l'Afrique et de la Gaule atlantique s'organisèrent pour satisfaire la demande des marchés. Il avait été habilité une profusion de fabriques de conserves qui se dédiaient aux salaisons -et aux sauces de poisson. Le thon était le produit le plus demandé. Toutefois, on préparait aussi des poissons de petite taille, sardine, maquereau. Les conserveries pour s'établir jetaient leur dévolu sur des emplacements proches de la côte et d'un cours d'eau douce. Elles disposaient de deux espaces essentiels: une aire pour nettoyer et dépecer le poisson et une autre dans laquelle s'alignaient les bassins où on le mettait à macérer dans le sel. Leur fonctionnement requérait une pêche sélective et l'approvisionnement en sel.
La côte guipuzcoane participe de ces généralités. On a pu identifier sur son littoral une fabrique de conserves de poisson, à Getaria. On se doit aussi d'évoquer son homonyme, Guétary, car il est très possible qu'entre les deux installations il y en ait eu d'autres dont nous n'avons pas connaissance à ce jour. Il s'avère que cetaria est le terme latin employé pour définir les industries de conserves de poisson. L'association n'est guère passée inaperçue des archéologues, d'autant que voici quelques années sur le site de la gare de chemin de fer de Guétary fut mise à jour une série de bassins de salaison en batterie. Grâce à ces références, on ne tarda pas à avoir la confirmation qu'il y avait eu, également, une occupation romaine dans la Getaria guipuzcoane. Au départ -en 1997- les témoignages semblaient la localiser sur le site de l'église paroissiale de San Salvador et ses environs. Mais les recherches ont permis de prouver qu'elles s'étendent à travers toute l'étendue de son centre historique. La preuve archéologique a reçu, finalement, l'aval de la linguistique. Le mérite en revient au professeur Joaquín Gorrochategui, de l'Université du Pays basque, à qui on doit les arguments favorables à l'étymologie proposée pour l'origine du toponyme Getaria.
Pêche avec cannes et hameçons

A la canne, une tige longue, souple et résistante, était attaché un fil fait de lin ou de crin de cheval, la soie. A son extrémité était attaché l'hameçon, lesté d'un poids de plomb, auquel on fixait l'appât. Pour confirmer la prise, on utilisait comme de nos jours des flotteurs de liège. On pratiquait également la pêche avec des lignes de fond et la palangre, méthode qui comprend plusieurs hameçons amorcés autour d'une ligne principale. Les hameçons (hamus) étaient fabriqués en fer, bronze ou cuivre, en fonction de la taille de la pièce à capturer. Leur forme n'a pratiquement pas varié jusqu'à nos jours, comme on peut en juger au vu des collections découvertes dans les gisements archéologiques guipuzcoans.
Filets

Parmi les types de filets habituels, on signale celui dénommé iaculum ou funda, un filet de petite taille en forme de manche et muni de plombs qu'on lançait à l'eau en se plaçant à des endroits élevés, près de la mer; le filet de traîne, appelé sagena, verriculum ou tragula, et le filet à main ou hypoché. On a connaissance de l'emploi de ces attirails dans nos contrées avec la mise à jour d'instruments pour leur confection ou leur réparation. Tel est le cas des navettes. Pièces composées d'une tige fine qui se termine à ses extrémités en forme de fourche et qui servaient à enrouler la soie. En passant la navette alternativement à travers la trame, de gauche à droite et de droite à gauche, on tressait les filets. Tel est également le cas des grandes aiguilles pour la réparation et la couture qui disposent d'un corps long et d'une tête plate avec un trou pour enfiler le fil. De même, il nous faut mentionner la présence de poids à filet, galets entaillés pour la fixation de cordes et qui servent à maintenir le filet immergé.
Nasses

Utilisées notamment dans les zones fluviales ou d'estuaire, on les fabriquait en osier ou en sparte en forme de casier, de sorte que le poisson, attiré par l'appât, s'introduisait à l'intérieur où il se trouvait pris au piège.
Parcs et balances
Les parcs sont des constructions levées dans la bande de marées et les zones de plage dans le but de retenir le poisson à la basse mer. Habituellement de forme arrondie, ces parcs exploitent les accidents du terrain, notamment la présence de zones déprimées. Il existe au Gipuzkoa une série de lieux appropriés à cette technique de pêche. C'est le cas de Zumaia ou, justement, de Getaria où avant d'entreprendre l'agrandissement de la zone portuaire, on pouvait voir un fond marin révélant de multiples accidents de terrain qui, à basse mer, laissaient d'abondantes langues d'eau et un certain nombre de poissons retenus dans ces dernières.

Il nous faut, enfin, évoquer les balances, une modalité de pêche qui, à en juger par les témoignages archéologiques, peut avoir été utilisée à l'époque romaine sur nos côtes. On a connaissance, du moins, d'une série de chutes de plomb dont les caractéristiques sont similaires à ceux employés aujourd'hui pour lester les balances destinées à la pêche des fruits de mer.
Spiritualité

Le peuple romain, en général, est permissif vis-à-vis des cultes des peuples soumis ou colonisés. Mis à part les problèmes avec les juifs et les druides, dans les deux cas s'inscrivant sur fond de question politique incontestable, et plus tard avec les chrétiens, considérés subversifs par rapport à l'ordre dominant, on pratique la tolérance en ce qui concerne les croyances d'autrui. La seule question sur laquelle on ne transige pas : le culte à l'empereur. Cette condition étant observée, il y a place pour les rites et les traditions propres à d'autres cultures, qui, à l'occasion, finissent par s'installer au panthéon romain. Maints dieux locaux sont identifiés aux figures de Mars ou de Jupiter, lesquels sont associés dans le culte -Mars Sutugi à Comminges ou Jupiter Besirisse à Cadéac; il en est qui voyagent sur des milliers de kilomètres comme cela se passe avec Mithra qui, de son lieu d'origine, en Orient, arrive à tous les recoins de l'Empire de la main des soldats, à l'occasion de leurs déplacements, pour devenir un courant dont l'écho au plan social sera important; d'autres en revanche ne sortent pas de leur séjour, tels les dieux celtiques Deba et Arno. Le fait est que le répertoire romain est large et qu'y sont représentés des dieux mineurs et majeurs, suivant des hiérarchies qui recouvrent pratiquement l'éventail des activités humaines. On a un dieu de la guerre, d'autres de la chasse; il existe, également, des déités propres aux cours d'eau, aux sources, pour protéger les chemins, la navigation, pour l'amour, des dieux de la famille auxquels on rendait un culte au logis, etc. La vie quotidienne est marquée par les relations avec les divinités et comporte une importante charge de superstition et de fétichisme.

Dans ce contexte, s'inscrivent les quatre idoles du Figuier, (Asturiaga-Fontarabie), apparues au fond de la mer, dans le sable, en compagnie d'autres éléments qui invitent à les considérer comme faisant partie d'un mobilier rituel. Leur association à un type de jarre relativement sophistiqué, avec des plateaux et une partie de serrure, permet d'envisager leur voyage dans un même contenant, un coffre -par exemple- et de penser que l'ensemble fut fabriqué au milieu du IIe siècle. Les idoles, en forme d'appliques, représentent la déesse Minerve, portant casque et plastron et sur celui-ci l'attribut de la gorgone; le dieu Mars, barbu, lui aussi portant plastron et casque; Hélios, dieu du Soleil, avec sa couronne de rayons et la déesse Isis, portant sur la tête le symbole lunaire.

La divinité solaire, Hélios, se manifeste en une autre occasion sous forme de lampe. Celle-ci fut mise à jour à l'intérieur de la mine romaine d'Altamira III à Irun et l'association entre le symbole et la fonction de la lampe paraît évidente, plus encore s'agissant de l'obscurité des mines. On a l'habitude de citer, également, une figurine de Minerve découverte à Renteria, à ce jour conservée en un lieu inconnu mais -pour le moment- il n'y a pas de preuves qui garantissent une telle origine, ni d'ailleurs qu'elle provienne du Gipuzkoa.

Pour continuer avec le panthéon officiel, on connaît une image de la déesse Rome dans la pierre d'un anneau; l'intaille ou le camée de forme ovale et travaillé dans une pierre semi-précieuse. Longue de 13 mm dans son plus grand axe, elle représente la divinité assise sur son trône, arborant tous ses attributs (casque, bouclier, lance et victoire ailée sur la paume étendue de sa main gauche). La miniature est d'une excellente facture. Un niveau de détail poussé permet d'identifier les traits et plis de la tunique, la physionomie des figures et les détails du mobilier associé, dans une perspective parfaitement résolue. Elle fut mise à jour à l'occasion des fouilles du port romain de la rue Tadeo Murgia à Irun.
Si l'on a nommé auparavant haut les divinités celtes Deba et Arno, on l'a fait dans la double intention de souligner la présence de ces toponymes dans notre géographie et de traiter la permanence des divinités indigènes, tout en constatant la vigueur des cultes officiels. Il est très possible que tant le mont Arno que la rivière Deba, si proches l'un de l'autre, aient eu des liens avec les cultes locaux, de même que la grotte de Sandaili, à Araotz, dont le nom semble issu non du saint Elie mais de la sainte Ylia ou sainte Julie. Par cette voie, on pourrait rattacher celle-ci à la déesse Ivulia dont le nom apparaît sur une inscription de Forua, dans la ria de Gernika, et que l'on relie avec le culte des eaux. On ne peut omettre de mentionner dans cette approche la petite pierre d'Oltza, au pied du mont Aizkorri qui aurait servi d'autel pour des cérémonies.
Les cultes funéraires sont un autre trait connu de la spiritualité de l'époque romaine, qu'ils aient été représentés sur ce territoire à travers la nécropole de Santa Elena ou qu'il s'agisse -dans une moindre mesure- des deux seules épigraphes funéraires retrouvées à ce jour, celle d'Andrearriaga -décrite plus haut, et celle conservée au pied de l'autel de l'ermitage de San Pedro, à Zegama.
La nécropole de Santa Elena

Les fouilles entreprises en 1971 et 1972 à l'intérieur de cet ermitage d'Irun permirent de localiser une partie du cimetière de la cité d'Oiasso. Il s'agit d'un ensemble d'urnes contenant les cendres des défunts, 106 exemplaires, enterrées -la plupart d'entre elles- sans autres éléments distinctifs. Près des urnes qui contenaient, de plus, du mobilier funéraire : ampoules de verre, épingles à cheveux, armes, fibules. On a mis à jour deux constructions en pierre. L'une, de plan carré de quelque 3 mètres de côté, a été identifiée comme une cella memoriae ou enterrement de signe supérieur, d'autant qu'à l'intérieur on trouva l'unique urne en verre de l'ensemble, ce qui dénote un rang de distinction sociale. L'autre, de plan rectangulaire, 7,5 m x 5 m., reproduit les formes des temples simples "in antis". Elle dispose d'un petit porche adossé à la cella ou chambre principale, en dehors d'un toit de tuiles, dont les restes furent reconnus parmi les décombres produits par la ruine du bâtiment qui fut abandonné au IVe siècle.

La tradition de l'incinération n'est ni propre ni exclusive des romains, qui pratiquaient également l'inhumation. Elle était généralisée parmi les populations de l'âge de fer. Sa pratique entra par la suite en déclin suite à l'introduction de croyances orientales. A mesure de l'expansion du christianisme, ce rite fut remplacé, finalement, par celui de l'inhumation.



L'épitaphe de San Pedro de Zegama

L'inscription est gravée sur une dalle en grès placée au pied de l'autel de l'ermitage, comme il a été mentionné plus haut. Le texte se distribue en cinq lignes, citant le nom du défunt (LANICIVS, LATICIVS, LARICIVS ou, même, L.ANNICIVS) accompagné de sa filiation et de son âge au moment de sa mort (quarante ans) pour finir par une formule funéraire, H(ic) e (st) o H(ic) i (acet). Sur le texte sont tracés 3 arcs que l'on identifie symboliquement aux portes de Hades ou séjour des morts. On date ce texte entre la fin du Ier siècle et le IIe siècle, en relation avec les inscriptions d'Alava.
Le christianisme

Au cours du IVe siècle, le christianisme cesse d'être un mouvement proscrit et persécuté pour devenir la religion des empereurs et, plus tard, de l'Etat impérial. La nouvelle conjoncture s'exprime par de multiples manifestations qui touchent à la vie quotidienne, se reflétant dans des aspects de la culture matérielle. Par exemple, une monnaie frappée par l'usurpateur Majnencius (350-355), qui a été découverte à Béhobie, porte á l'envers un chrisme, anagramme de Christ et les lettres grecques alfa et omega, qui sont la première et la dernière de l'abécédaire de cette langue. Les deux lettres furent utilisées dans le langage crypté des premières manifestations du christianisme pour se référer à sa divinité, considérée comme le début et la fin de toutes choses. Il en est de même de la décorations des vaisselles qui délaissent les motifs habituels jusqu'alors, scènes de chasse, rituels païens, etc., pour incorporer des symboles chrétiens, tels que les croix, les chrismes, les palmes, etc. Ce sont les fameuses céramiques "dérivées de la sigillata paléochrétienne" dont on a recensé plusieurs exemplaires dans la grotte d'Iruaxpe III à Aretxabaleta, que les datations font remonter au Ve siècle, ainsi que dans le cap du Figuier, avec les mêmes chronologies. Cependant, on ne peut dire que la transformation de la société passant de modes de vie païens aux nouveaux modes chrétiens se généralisera au Gipuzkoa à la suite de ces événements. Sans aller plus loin, à Azkoitia, à l'intérieur de l'ermitage de San Martín de Iraurgi ont été localisées en 1993 plusieurs urnes d'incinération que la chronologie situe au VIIIe siècle. Ce qui prouve la persistance dans ce cimetière des vieilles traditions funéraires païennes.
L'activité pastorale

La présence de troupeaux de porcs, vaches et moutons est attestée dans ce territoire depuis le Chalcolithique. L'élevage a été l'une des constantes culturelles de notre préhistoire la plus récente. Cette activité implique les déplacements derrière le troupeau et la configuration d'une société nomade, laquelle jusqu'à la construction des castros, semble-t-il, ne connut pas les établissements stables. Les bâtisseurs de dolmens et de tumulus devaient être des tribus itinérantes de passage au milieu de vastes espaces, en recherche de pâtures et d'aliments pour leurs animaux, convertis en source principale de leur subsistance. Cette situation va perdurer durant l'étape d'influence romaine, cohabitant avec la réalité urbaine que nous avons évoquée; peut-être même en sortît-elle renforcée dans la période du Bas-Empire avec la crise du modèle de la cité. Les romains appliquaient à toutes les sociétés pastorales et, plus généralement, aux habitants des zones de montagne une série de clichés méprisants, fondés sur des conceptions philosophiques et ethnographiques ancestrales; pour eux, ces derniers étaient gens imperméables à la civilisation, rudes et sauvages, vis-à-vis desquels ils avaient de fortes préventions. Les jugeant incontrôlables car non assujettis au cadre d'établissements stables, ce qui les reléguait à la catégorie de voleurs et de bandits. En marge de ce type de préjugés, il faut admettre qu'une partie non négligeable des habitants du Gipuzkoa de l'époque, comme il en allait pour d'autres zones de montagnes de l'Empire, n'avait pas accès aux niveaux de vie élevés que l'on a évoqués pour la région d'Oiasso. Se dédiant à l'activité pastorale, suivant en cela une tradition immémoriale, ils disposaient probablement de rares biens matériels obligés par leur démarche légère, les changements constants d'emplacement et l'adaptation aux conditions précaires du milieu. Toutefois, lorsque se défait la structure sur laquelle reposait l'ordonnancement romain, ils vont suivre leur propre voie, alors que pour ceux qui dépendaient d'organisations complexes, bien qu'ayant profité des transformations et de la ruralisation des derniers siècles, on suppose que la transition va être plus difficile et pénible.
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Iluna Ehulea