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Le Pays Basque au Moyen-Âge

(du Ve au XIe siècle)

 

 

 

 

 

 

 1 - Terminologies utilisées pour définir les Basques

 

 

Apogée de l'alliance vasco-aquitaine. L'occident européen en 711, avant l'invasion arabe de la peninsula ibériqueL’histoire des Basques et du Pays Basque a commencé il y a des milliers d’années sur des terres qui sont maintenant connues sous le nom de Navarre. Ces terres ont dès le départ été nommées par les Romains sous le nom de Vasconia[Réf]. C’est aussi le berceau de la ’’lingua navarrorum’’’ (langue de Navarre ou euskara actuellement), et de la culture qui en a émergé. Les Basques, descendants directs de la civilisation préhistorique franco-cantabrique, qui s’étend sur l’ensemble du tiers nord de la péninsule ibérique et sur la moitié sud-ouest de la France, sont un peuple dont la présence sur le continent est probablement des plus anciennes d’Europe.

À l’époque Franco-wisigothe, les Vascons de Navarre qui étaient à la tête de tribus basques, défendent les institutions et un mode de vie très romain, contre des invasions germaniques. À partir de cette époque, fruit de l’assimilation vasconne, de nombreuses tribus basques disparaîtront des textes et on ne parlera désormais qu’uniquement des Vascons. La forme basque du mot Vascons était ’’euskaldunak’’, 1034, à l'apogée du reigne de Sancho le Grand de Navarre terme qui continue actuellement à être utilisé par les Basques . Dans d’autres langues, par contre, les noms utilisés pour les désigner ont été très souvent varié et ceci durant des siècles.

Comme nous l’avons déjà indiqué, à l’époque Franco-wisigothe, les Basques étaient connus sous le nom de « Vascons » (écrit aussi parfois Wascons). Plus tard, dans les chroniques carolingiennes, on a commencé à différencier les « Vascons » qui étaient sous le joug de gouvernements francs et ceux qui étaient indépendants, en utilisant pour ces derniers le terme de « Navarrais », ou le mot « Vascon, uniquement. Pour les Vascons sous gouvernement franc, le terme évoluera ultérieurement sous le nom actuel de Gascon.

Avec l’essor du Royaume de Pamplona-Nájera au XI siècle (car jusqu’au XII siècle, il n’était pas officiellement appelé Royaume de Navarre), l’utilisation du mot « Navarrais » pour désigner les Basques a été généralisée ; et par la suite le mot « Vascon » (Vascón) est progressivement tombé en désuétude.

1050, après le démembrement du Royaume de Pamplona-Nájera.Au XII siècle, le Royaume de Navarre, devant l’expansionnisme militaire castillan, sera forcé à pactiser en renoncement aux territoires de La Rioja et de la Biscaye (Bizkaia). La Rioja avait en ces lieux la capitale du Royaume navarrais, Nájera, qui sera annexé par la Castille. La Bizkaia, par contre, deviendra une autorité indépendante de la Castille avec la seigneurie pro-castillane des Haro.

La Bizkaia, sous l’orbite castillane, plongée dans des guerres pour défendre les intérêts exclusifs de la Castille, sera le plus souvent victorieuse des batailles engagées. Étant donné l’existence de collaborations dans l’expansionnisme castillan, l’Autorité de Bizkaia agrandira ses territoires, grâce aux terres acquises par don des rois de Castille. La réputation batailleuse des Biscayens fera en sorte que la dénomination de Biscayens fait désormais référence aux Basques en Castille, une dénomination qui sera plus tard étendue à d’autres pays européens; tandis que dans les territoires de la couronne d’Aragon, on les appelle « Navarrais ».

Au XVI siècle, comme nous pouvons vérifier dans les textes de Cervantès, il a été d’usage de désigner les Basques de chaque côté des Pyrénées avec le terme « Biscaïen » (excepté les Bas-Navarrais, ceux qui tant en France comme en Espagne, étaient appelé « Basques » ou « Vascos »). Dans des cartes européennes du XVII siècle, on appelait comme à l’heure actuelle Euskadi, la Bizkaia, dont les subdivisions de cette dernière avaient pour toponymes « Bizkaia original », « Alava », « Gipuzkoa », « Provincia de Cuatro Villas » (Province de Quatre Villes) (La Biscaye dans les cartes intègrent des territoires de la Bizkaia occidentale, la Région cantabrique, jusqu’à la Baie de Santander) et La Rioja. Les Basques étaient appelé « Biscaïens » dans les territoires de Castille, ainsi que dans d’autres pays européens ; et « Navarrais », ceux des territoires de l’ancienne couronne d’Aragon, et ce jusqu’au XVIII siècle.

Territoires de la Castille et Aragon, France Navarre en 1500.À partir du XV et XVI siècle, il a été courant d’utiliser dans milieux érudits européens, le terme de « Cantabres » pour désigner les Navarrais. À partir du XVI siècle, cette dénomination a été utilisée pour désigner seulement les Alavais, les Guipuscoans et les Biscaïens. Une dénomination qui donnera postérieurement son nom aux thèses basco-cantabristes.

En Espagne, à partir du XVIII siècle, la coutume d’utiliser le terme « vascongado » pour désigner aux habitants d’Euskadi a commencé à être généraliser.

Le mot « vascongado » (du latin « vasconicatus »), dans sa racine est synonyme du mot ’’vascoparlante’’ (bascophone), en opposition avec romanzado (du latin « romanicatus » ; personne parlant une langue latine). Les deux mots étaient utilisés non seulement en Euskadi mais aussi en Navarre. Dans des textes médiévaux du Royaume de Navarre, par exemple, on énumère les populations qui sont soit de langue vascongada (éuscara/euskara) ou de langue romane (latine).

Territoires d'Espagne, de France et de Navarre en 1600.Ultérieurement, le mot « vascongado » a été utilisé pour désigner une personne qui vient de terres où l’on parle euskara (un équivalent à Euskarien basque ou euskaldun vasco). À partir du XVIII siècle, les Vasco-cantabristes et la monarchie espagnole commençèrent à utiliser et à généraliser les termes « vascongado » (ethnonyme) et « Provincias Vascongadas » (provinces basquaises) ou le « Vascongadas », pour désigner la terre dans laquelle vivent les Alavais, les Guipuscoans et les Biscaïens, l’actuelle Euskadi, en altérant la signification originale du mot vascongado, avec l’exclusion dans la signification des Navarrais.  

Finalement, à partir du XIX siècle, on a recommencé à utiliser le terme de « Basque » ou « Vasco », car depuis le bas Moyen Âge, ces termes servaient seulement à identifier les Navarrais. La signification de ces terme au XIXème siècle sera plus générique et équivalent à ce qui est  « Euskaldun » (Euskarien), en incluant dorénavant les Vascongados, les Navarrais, tout comme les Basques français.

Territoire d'Espagne et de France en 1700.Le monde basque au le Moyen Âge, comme nous le verront tout au long de cette pages, a été subdivisé en différents entités administratives et politiques et qui se situaient pour une grande partie, dans la zone pyrénéenne. Seulement sept territoires ont conservé aujourd’hui la culture originale (Alava, Basse-Navarre, Guipuscoa, Labourd, Navarre, Soule et Biscaye).


Le démembrement des deux organismes politiques qui ont historiquement regroupé les Basques (Duché de la Vasconie et Royaume de Navarre), par l’expansionnisme militaire des peuples latins ou par des tensions internes de succession, donnera lieu à la division du peuple basque et cela dans des organismes politiques différents, souvent antagoniques. D’ailleurs, par la suite, il y aura des luttes des uns contre les autres dans des guerres successives et intestines (Castille contre Navarre, la France contre l’Espagne, guerres carlistes, etc.).

Toutefois, il s’est maintenu parmi les Basques la notion d’appartenir à une terre commune, « la Terre de l’Euskara » ou Euskal Herria (Pays Basque), puisque depuis les premiers documents en langue basque du XVI siècle, bien que les provinces ne soient pas unis politiquement, des auteurs des territoires actuels d’Euskadi, de Navarre et du Pays Basque Nord font d’allusion à l’Euskal Herria. Ce terme, ainsi que le mot Euskaldun, nous replonge à des siècles en arrière, en commençant par toutes les tribus basques, qui durant la chute de l’Empire romain, et surtout, à l’époque franco-visigothe (à partir du V siècle), étaient unies contre les envahisseurs germaniques.

L’unité s’achèvera avec le décès du roi Sanche III de Navarre (XI siècle) et sera diviser en six entités politiques (le Comté de Gascogne sous l’orbite française, le Royaume de Castille, le Royaume d’Aragon, les territoires leridanos actuellement en Catalogne habités par des Basques qui sont restés sous l’orbite du Comté de Barcelone, le Royaume de Saragosse sous gouvernement musulman et les territoires qui sont restés dans le Royaume de Pamplona-Nájera). La conséquence de tout ça engendrera un grand recul de l’euskara.

Cette division du Royaume de Pamplona-Nájera après le décès de Sanche le Grand, sera en effet fatale pour l’euskara dans ces territoires et entraînera l’assimilation progressive des Basques dans le giron des langues latine. La population basque disparaitra de la moitié sud de la Gascogne, au nord-est de la Castille, de la région cantabrique, de La Rioja, du nord de l’Aragon et du nord-ouest de la Catalogne, après des siècles d’assimilation culturelle et même d’interdictions séculaires de sa langue, comme celles qui se sont déroulées à la ville de Huesca (au nord de l’Aragon) pendant quatre siècles. L’assimilation culturelle résistera longtemps, par exemple chez les anciens habitants de La Rioja. En 1239, les maires de la commune actuelle d’Ojacastro (dans La Rioja) ont ordonné de saisir le mérino (l’inspecteur chargé de contrôler le terrain) envoyé dans la localité par la Castille car il ne savait pas parler l’euskara. C’était quelque chose qui attentait aux coutumes de la villa car cela exigeait la connaissance de la langue basque[Réf].

L’euskara, et par conséquent le peuple basque, est actuellement confiné dans un neuvième du territoire du XI siècle.

 

 

 

 

 2 - Liste de peuples et peuplades au début du Ve siècle

 

 

Peuples ou tribus de langue Proto-basque ou aquitaine.

Au sud des Pyrénées :

 

Los Ceretanos, ou peut être les Cérètes, se situaient dans la Cerdaña ou La Cerdagne (Cerdanya en catalan est un fossé d’effondrement situé dans l’est du massif des Pyrénées), et en Vallespir dont la capitale était Julia Libica (aujourd’hui : Llivia) furent nommés par Ptolomeo. Tous subiront des influences diverses: celle des Ibères voisins, puis des Celtes (à partir du IIIe siècle avant J.-C.); mais également celle des Phéniciens, des Etrusques et des Grecs.

Les Bergistanos, aussi connus sous le nom de Bargusios, étaient établis au Nord de la province de Barcelone, dans la région de Berga ou dans le lieu de Bergús, près de Cardona. Ce lieu apparaît dans les documents médiévaux sous le nom de Bergusio.

Les Ilergetes apparaissent comme une tribu puissante, occupant toute la partie Nord du bassin de l’Ebre, son centre aurait été au niveau d’Urgel, entre l’Ebre et la montagne du Montsech. Pour Ptolomeo, la ville d’Ilerda (Lleida) leurs appartient, et l’importance du lieu est témoigné par les monnayages, inspiré des Grecs d’Ampurias. Bergusia (qui est aujourd’hui Bargusios) aurait été leur capitale selon Tito Livio, au Nord de la province de Barcelone; Il y a aussi les villes de Celsa, avec Velilla del Ebro ; Bergidum (Barbastro ?) ; Erga ; Succosa ; Osca (Huesca) ; Burtina ; Gallica Flavia ; Orgia. On remarque que c’est un vaste territoire qui est  en contact avec les tribus vascones.

Andosinos ou Andosii. La seule mention de ce peuple faite avec certitude est celle de Polibio dans ses écrits: ’’Évacués ces affaires au cours de l’hiver, et mis la garantie nécessaire dans les choses de la Libye et d’Ibérie, a sorti son armée le jour indiqué, composé de quatre-vingt-dix mille nourrissons et environ douze mille chevaux. Passé l’Ebre, sojuzgó les Ilergetes, Bargusios, Aerenosi (airenosinos) et ce qui est andosinos, peuples qui sont étendus jusqu’aux Pyrénées’’

Des 10 tribus ou clans cantabres (Salaenos, Orgenomescos, Avariginios, Blendios, Coniscos, Cadinienses, Concanos, Plentusios, Tamáricos et Vadinienses), les Cantabri Conisci ou Coniscos étaient apparemment de langue proto-basque.

Les Iacetanos ou Vescetanos (Iakketanoi en Grec classique, Iacetani en latin ou Vescetani) qui ont peuplé la zone nord d’Aragon (Espagne), dans les Pyrénées, et probablement le territoire actuel de la Catalogne. Sa capitale était Iaca (actuel Jaca). Selon Estrabón, ils étaient étendus depuis les Pyrénées jusqu’à Lérida et à Huesca. On croit qu’ils pourraient être en rapport avec les Aquitani. On sait qu’ils ont émis de la monnaie. Ils apparaissent aussi dans les textes de Pline et de Ptolomeo.

Estrabón dit précisément que les Berones sont des celtes émigrés, dans la ville de Varia, dans l’Ebre (Varia est aujourd’hui, près de Logroño). Ptolomeo leurs attribue en outre les villes de Tritium Metallum (Tricio, près de Nájera) et Oliva (Leiva, près de Haro). Ce peuple se situait au niveau de la Rioja, puisque la montagne de Cameros, dans ses deux versants, était occupée par les Pelendones. Au XII siècle, dans la partie occidentale de son territoire, cette zone était encore bascophone.
Les Autrigons ou Autrigones, Caristii ou Caristes, Vardules ou Varduli (Bardietas), Vascones ou Vascons sont quant à eux très documentés.

L’Empire romain au IVe siècle.

 

La Novempopulanie ou Aquitania novempopulana, dite aussi Aquitaine IIIe est une province romaine du diocèse des Gaules. Elle provient de la division administrative de la grande Gaule aquitaine en trois parties. On en retiendra surtout que la province des Neuf Peuples ne forme que rarement un tout, et n'est jamais le centre d'un royaume.

Peuples aquitains ou Aquitani

Ausques ou Auscii en latin.

Les Bénéharnais ou les Beneharnenses, Benearni. Ptiani, Pathiciani du Béarn, Beneharnum, Lascurris aujourd’hui Lescar.

Les Belindes ou Belindi auxquels on attribue généralement Belin-Béliet.
Boïates ou Boii en latin dans les Landes.

Cocosates avec comme centre Cocosa, entre Dax et Bordeaux.
Convènes ou Covenae en latin, avec comme centre Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges aujourd’hui).

Les Consorans ou Consorani du Couserans à Saint-Lizier.

Elusates ou Elusa en Armagnac, ils dominaient le Condomois (Gers).
Garoumnes ou Garumni en latin dans le Val d’Aran et dans la haute-vallée de la Garonne, avec comme centre Salardunum (Salardú).

Lactorates ou Lactora en latin en Lomagne, leur capitale était Lectoure (entre Gers, et Tarn-et-Garonne).

Lapurtanos à Lapurdum dont la première mention de la cité de Bayonne fut Lapurdo, Lapurdum - en gallo-romain lapur-dunum. (Labourdins aujourd’hui)

Les Onesii avec comme centre Onobriva (Luchon), Hautes-Pyrénées.

Oscidates ou Sotiates au nord du Condomois et le canton de Nérac (Lot-et-Garonne), avec le centre à Sotium.

Suburates ou Sibuzates en latin dans la Soule. (Souletin aujourd’hui)
Tarbelles ou Tarbelli en latin en Chalosse, avec comme centre Aquae tarbelliae (Dax).
Tarusates avec le centre à Tartessium (Tartas).

Vasates ou Vassei ou Volcates dans le sud-est girondin vers Bazas.

   

PEUPLES ET INVASIONS BARBARES

Les Barbares : pour les Grecs, dès l’Antiquité, le terme barbare désignait tous les peuples étrangers, y compris les Romains…Plus tard, ces derniers considèreront aussi tous les étrangers comme des Barbares. A partir du IIIe siècle, les Barbares s’infiltrent dans l’Empire romain.

Huns : peuples nomades chassés de Chine vers le 1er siècle avant J-C. Ils battent les Ostrogoths en 375, puis les Germains.

- Attila attaque Constantinople en 441 puis envahit l’Empire d’Orient en 448

Goths : peuple germain venu de Scandinavie au 1er siècle avant J-C., qui se divise en deux branches au IIe siècle en : Ostrogoths (Goths de l’Est) et Wisigoths (Goths de l’Ouest).

 

- Wisigoths : bataille d’Andrinople et victoire sur les Romains en 378
- Ostrogoths : s’installent en Pannonie en 453. Prise de Ravenne puis assassinat d’Odoacre
- Fondation du royaume ostrogoth (493)

Germains : ils sont tout d’abord intégrés comme alliés fédérés des Romains puis fondent des royaumes.

- Burgondes : Germains de l’Est. Fondation du Royaume burgonde (443-534)
- Jutes, Angles et Saxons : début de l’expansion vers 450
- Francs : début de l’expansion vers 407

Vandales, Alains, Sueves: ils viennent du nord du Caucase, puis sont chassés par les Goths et migrent vers l’Ouest. Ils franchissent le Rhin en 406, traversent la Gaule et atteignent l’Espagne en 409 et s’y installent comme fédérés.

 

 3 - Arrivée des peuples germaniques

 

Les divers états hispaniques chrétiens n’ont jamais possédé de duchés. Dès l’arrivée des peuples germaniques, un duc visigothe remplace pendant la seconde moitié du VIe siècle, l’ancien gouverneur provincial romain ou rector provinciae. Le duc avait en son pouvoir les commandes militaires et l’administration de la justice. Depuis la chute de l’empire romain, les tribus euskaldunes ont été dans la nécessité impérieuse de se défendre des invasions barbares. La lutte entamée depuis les premiers moments s’est menée principalement sur deux fronts, d’abord contre les Visigoths, établis à Tolosa aquitana (Toulouse), puis contre les Francs au VIe siècle. Les basques sont brusquement passé de la paix romaine à la guerre sans trêve. Les chroniqueurs latins ne nous disent rien de de ce qui s’est réellement passé à travers le ce Pays basque actuelle et beaucoup de questions restent énigmatiques. Tout ce qui concerne les Vascons se limite à une simple constatation de leur existence et l’inclusion dans des passages de chroniques les passages l’irruption de luttes, surtout, de craintes continuelles, tant vers la région de la Garonne que vers l’Ebre. Il y a eu probablement beaucoup d’événements internes, inter-tribal, que nous ne connaîtrons jamais, comment en sont-ils arrivés à une lutte organisée contre des ennemis communs. Ce qui est certain est que les forces basques maintiennent à l’extérieur les Francs, par le nord, et les Visigoths, par le sud.

 3.1 - Ve siècle : Une transition des Romains aux Visigoths

 

Selon Bartolomé Bennassar : En fait aux V-VIIe siècle, les Basques qui vivent l’une des périodes les plus dynamiques de leur histoire, loin d’être sur la défensive sont conquérants.

Déjà, vers le IIIe siècle, ceux que l’on appelle Barbares (Les Huns et les Alains) dévastaient certaines contrées considérées romaines depuis des siècles. Entre 406-409, Alains, Suèves, Vandales, et beaucoup d’autres avec eux, écrasent les Francs, traversent le Rhin, envahissent les Gaules et droit sur leur élan, parviennent jusqu’aux Pyrénées : repoussés pour un temps par l’obstacle de ces dernières, ils refluent à travers les provinces avoisinantes. À l’automne 409, les Vandales entrent dans la péninsule ibérique, où ils s’installent avec une partie de leurs alliés alains (dont certains clans sont restés en Gaule, notamment sur la Loire). Mais deux frères jeunes, nobles et fortunés, Didyme et Vérinien, entreprirent non pas d’assumer la tyrannie contre le tyran, mais de se défendre le passage des Pyrénées, eux et leur patrie, contre le tyran et les barbares, au bénéfice de l’empereur légitime, ce qui apparaît clairement dans le déroulement même des événements.

Les Vardules, tribus de langue proto-basque qui se situaient dans l’actuel Guipuscoa, sont cités pour la dernière fois en l’an 456, à l’époque du roi wisigoth Théodoric. En effet, les côtes de Galice, de Cantabrie avaient été envahies par les Hérules, un peuple de l’océan germanique dont on croit que la capitale était Mecklembourg. Ces pirates germaniques avaient pris terre en Galice du côté de Mondoñedo, dans la région de Lugo. Forcés de se rembarquer face à la résistance des populations locales, ils se portèrent alors sur le pays des Vardules dont ils ravagèrent les côtes.

Lorsque la paix avec les Romains fut conclue par le fœdus de 418, traité passé entre l’Empire romain et une cité ou un peuple étranger, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde. La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia.

En 413, les Goths font leur apparition en Espagne et dans les Gaules. En 418 ils sont installés à la demande de l'assemblée des Sept Provinces dans les régions de la Garonne, du littoral atlantique et dans la province des Neuf Peuples. Un pouvoir guerrier se met en place, qui concerne les Gaules du sud mais va se trouver devant la nécessité d'intervenir en Tarraconnaise que ne maîtrisent ni les Romains ni les Suèves et où les Goths prennent progressivement pied.

        

  Beatus de Liebana

Les Wisigoths pénétrèrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l’Empire romain. L’Ibérie était alors aux mains des Vandales, installés en Bétique (l’Andalousie actuelle), des Suèves et des Alains ; les Wisigoths vainquirent ces derniers, qui furent rejetés en Lusitanie, et harcelèrent les Vandales qui finirent par migrer vers l’Afrique romaine en 439. Toujours comme fédéré, Théodoric Ier combattit aux côtés d’Aetius contre Attila, et y trouva la mort en 451. (voir la carte ci-dessus des migrations)

Officiellement les Visigoths maintiennent l’ordre Romain et repoussent les autres tribus barbares d’Espagne. Les historiens estiment que 100 000 Visigoths (dont 20 000 soldats) s’installent dans l’empire et dominent une population ibérique estimée à 6 millions d’habitants. L’aristocratie guerrière visigothe peu nombreuse contrôlera et y maintiendra la Pax Romana pendant plus d’un siècle. Les Visigoths avaient une série de problèmes qui causera leur perte dont la lutte de pouvoir de leurs élites guerrières, une culture et une langue germanique dans un environnement plus ou moins latinisé, du mécontentement des classes basses à cause des privilèges des hautes classes et finalement la persécution des Juifs (séfardies), qui aideront les musulmans à débarquer dans la péninsule en leur passant de l’information.

Le roi Euric (466-484) rompant le fœdus après la disparition de la famille impériale, agrandit son territoire aux dépens des Suèves qu’il battit en Hispanie en 468, et des Gallo-romains alliés aux Armoricains à la bataille de Déols, affrontant Ægidius et Ecdicius. Pampelune qui est depuis sa fondation un lieu de passage, était vasconne et s’appelait Iruñea. Or, ce sont les Romains qui fondent la ville actuelle connue comme Pompaelo ou Pompailon et à cette époque, sont bâtis des remparts. La ville sera envahie par les Barbares et rasée par les Germains au Ve siècle. En 472, elle est occupée par les Wisigoths, selon le témoignage écrit de Saint Isidore.

Bréviaire ou livre liturgique

catholique d’Alaric II

En 475, il se fit concéder officiellement par Julius Nepos l’Aquitaine première, la Narbonnaise première et l’Hispanie. Mais le centre du royaume wisigoth resta encore l’Aquitaine, et ce n’est qu’après avoir été rejetés de la Gaule par Clovis que les Wisigoths transportèrent leur capitale à Tolède (554). Cantonné en Galice, le royaume suève fut soumis en 575. La seconde unification de la péninsule ibérique, après celle des Romains, est donc due aux Wisigoths.

Au niveau de la religion, le concile d’Agde qui s’est tenu à l’église Saint-André de la ville d’Agde en 506, du temps du règne d’Alaric II, de religion arienne, a une grande importance.  Alaric qui autorisa la réunion de cette assemblée catholique permit au christianisme de s’installer et prendra ainsi de l’ampleur dans les régions limitrophes de la Vasconia. Les Visigoths étant désormais fortement romanisés, le concile a pour but de définir le rite selon lequel tout chrétien doit recevoir la communion, la bénédiction du saint-sacrement après l’Office du soir, certaines modalités concernant l’ordination, statuer sur les Juifs pour « empêcher ceux-ci de contaminer les chrétiens » entre autres. Les trois personnes de la Sainte Trinité sont enfin reconnues.

 3.2 - VIe siècle : Les Francs, cette nouvelle menace du nord

 

En 507, Clovis, roi des Francs et considéré comme le premier roi chrétien du royaume, chasse les Wisigoths qui étaient installés au nord des Pyrénées lors de la bataille de Vouillé. Cette victoire ouvre pour Clovis la route du Midi. Réussissant à conquérir Toulouse, ancienne capitale des Wisigoths, puis temporairement le Narbonnais qui sera repris par les Ostrogoths après la défaite du siège d’Arles, il s’empare de l’Aquitaine, de la Gascogne, du Languedoc et du Limousin, ce qui consacre la domination franque sur l’Auvergne. A partir de 561, une alliance basque entre les Vascons et les Aquitains permet de vaincre les Francs et de créer le "Principat de Vasconie" qui semble marquer la souveraineté d’un état Basque et dont l’apogée se situe autour de l’an 1000. Le terme "Vascon" donnera "Gascon" au nord germanisé (V se transformant en G), "Basques" au sud ibérique (V se lisant B).

Entrée en théorie depuis 507 dans le territoire franc, la province ecclésiastique des Neuf Peuples a fait auparavant partie de façon très dynamique du royaume goth des Balthes. La bataille de Vouillé n'a cependant mis fin ni à la royauté gothique, ni aux espérances des Goths. Tant que vécut Amalaric, le dernier descendant mâle des rois balthes, les tentatives de restauration sont manifestes.

 

A partir de ce moment les Vascons sont pris en étau, face à deux ennemis, les Francs au nord des Pyrénées et les Visigoths au sud. Plusieurs faits d’arme vont se produire. D’après les écrits de Barbero et Vigil, dans la seconde moitié du VIème siècle, les Vascons comme les Cantabres étaient des peuples indépendants que ni les Francs, ni les Wisigoths, ni les Suèves ne purent soumettre.

En 571, Léovigild prend le site d’Amaya en Cantabrie après avoir repoussé les assauts des Vascons.

La révolte des Vascons de 579 à 582 fut encore une sérieuse lutte pour leur indépendance. En 580, les Vascons se rebellent une fois de plus, probablement sous l’influence de l’insurrection catholique de Baetica (Bétique (Hispania Baetica) couvre le sud de l’Espagne, et correspond à peu près à l’actuelle Andalousie). En 581, Léovigild va à l’encontre des Vascons en personne, et après beaucoup d’ennui, réussi à occuper une grande partie de la Vasconie, et prend possession de la ville d’Egessa (Egea de los Caballeros). Pour assoir son succès, il fonda la ville de civitas victoriaca (Iruña-Véleia) en bonne position stratégique, c'est-à-dire que, selon son habitude, il restaure une forteresse antique, ici celle qui porte le nom romain de Iruña-Véleia, pour surveiller la route... de Bordeaux. Après avoir mis fin ainsi à cette campagne, Léovigild décida de prendre une mesure énergique contre son fils rebelle. À cet effet, il passa plusieurs mois en 582 à organiser une armée puissante, et, dès qu’elle fut réunie, marcha sur Caceres et Mérida. Pour finir, Récarède Ier, dit « le Catholique », et nouveau roi des Wisigoths dans la péninsule ibérique de 586 à 601, fit la guerre aux Vascons afin de reprendre les terres que Léovigild avait envahi jusqu’au fin fond des Pyrénées, mais cependant sans succès.

 

Les comtés aquitains en rose foncé sur la carte appartiennent désormais aux Francs après la bataille de Vouillé.

À la même époque, en 587, Austrovald entreprend une expédition contre les Vascons, mais là encore sans grand succès. Grégoire de Tours s’exprime ainsi : « Les Vascons, se précipitant des montagnes, descendent dans les plaines, ravagent les vignes et les champs, livrent les maisons à feu et emmènent quelques-uns des habitants captifs avec leurs troupeaux, le duc Austrovald marcha souvent contre eux, mais n’en tira qu’une faible vengeance. Dans les années 580 un effroyable tremblement de terre secoua les Pyrénées et fit jaillir de toutes parts d'énormes blocs de rochers qui roulèrent jusqu'au fond des vallées. La peste s'en mêla, les malheureux refluaient de partout.

Le Traité d’Andelot signé en 587 entre Gontran Ier roi de Burgondie et son neveu Childebert II roi d’Austrasie, devait assurer une paix perpétuelle entre les deux royaumes. Childebert II se vit reconnaître, les possessions de Meaux, Tours, Poitiers, Avranches, Aire-sur-Adour, Couserans, Lapurdum et Albi. Lapurdum qui est le nom ancien du camp romain qui se tenait sur l’emplacement de la ville actuelle de Bayonne, a donné son nom à la province du Labourd. Au IVe siècle, la ville est en fait un cantonnement militaire de la cohorte de Novempopulanie. théoriquement, on sait que les Francs avaient un contrôle fictif de ce territoire. La carte ci-dessus montre d’ailleurs un certain flou quant à la limite entre la Vasconie et le Royaume de la dynastie mérovingienne (400-755) ou plus simplement les Francs. Le pays des Neuf Peuples vit au milieu des remous de la politique générale, aux limites des deux domaines, goth et franc, mais surtout, depuis toujours, il vit à l'heure de la montagne pyrénéenne.

 

 4 - VIIe et VIIIe siècle : Deux siècles de lutte bifrontale (602 à 824)

 

L’Histoire du Duché de Gascogne est aussi l’histoire de la première cristallisation politique basque qui s’étale sur deux siècles (211 années) de lutte bifrontale contre deux ennemis puissants et ambitieux : le royaume franc et le royaume Visigoth.

Ces deux siècles peuvent être séparés par trois époques très bien définies ; une de 58 années, avec un duché aquitain dépendant des Francs, une autre de 108 années de pleine indépendance Vasco-aquitaine et une dernière de 56 années de lutte armée pour l’indépendance et la naissance du royaume de Pampelune pour les Vascons et du duché de Gascogne pour les Gascons.

4.1 - Un duché dépendant des Francs de 602 à 660

Il semble bien que les Vascons, malgré la possession mérovingienne sur traité, soient les véritables maîtres de la partie Sud-Ouest du duché d’Aquitaine . Les Vascons, protégés par l’accès difficile de leurs montagnes, étaient restés indépendants sur le versant sud des Pyrénées occidentales. Ils avaient gardé leur langue et leur religion. En 587, ils sortent de leurs retraites et envahissent les plaines de l’Adour et de la Garonne. Leur progression dure jusqu’en 602 quand les deux fils de Childebert II, Théodebert II, roi d’Austrasie et Thierry II, roi de Burgondie les battent et leurs imposent un duc en la personne de Genialis. C’est l’union entre Mérovingiens qui leurs permet de soumettre les Vascons mais cela s’arrête aux pieds des Pyrénées. En 602, les Francs ayant conquis la Vasconie, décide de l'ériger en Duché. Ce royaume ou teilreich ne fut concédé à Caribert II qu’à la condition qu’il soit soumis à l’autorité de Dagobert Ier. Ce territoire avait été choisi pour servir de zone tampon entre la Septimanie wisigothique, les Vascons et le royaume franc de Dagobert I.

La composition de la Wasconia est alors bien claire : elle comprend les terres des Pyrénées et celles qui sont placées au Sud ou à l'Ouest de comtés et cités qui sont précisément nommés et n'en font pas partie. Ces comtés s'étendent autour de la Garonne. La carte dressée ci-contre montre qu'il s'agit de trois pôles. On trouve d'abord le comté-duché de Bordeaux qui confine au nord les comtés de Saintes et Périgueux. Ensuite viennent les terres novem-populaniennes qui confinent au Nord les comtés de Périgueux, Agen, celui de Cahors au droit de Lectoure, et à l'Est le comté de Toulouse. Enfin, au Sud-Ouest, se trouvent les terres de la cité de Labourd qui débordent hors de la province des Neuf peuples, sur un limes, c'est-à-dire une zone où la frontière (termini, fines dans le vocabulaire de ce temps) n'est pas considérée par les Francs comme stabilisée (perte récente du duché cantabre pour la définition en 630).

Les ducs de Gascogne, dominent la zone proche de la Garonne mais n’ont aucun contrôle des vallées montagneuses et toutes les terres proche de l’Adour. Cependant il y a des tentatives de soumettre les Vascons de la part des Francs avec pour objectif d’aboutir à une occupation totale de l’Aquitaine, et surtout dans le Sud-Ouest. Au sud, les Vascons se battent contre les rois visigoths Gundemar (année 610) et Sisebuth dans les terres ruccones (peuple celtique semi-indépendant lié aux Astures) et dans la Rioja (année 612). En 613, Clotaire II, fils de Chilpéric, rassemble l'Aquitaine. En 621, se produit une grande invasion de Vascons par le bassin de l’Ebre ce qui provoque une grande répression de la part de Swinthila (621-631) qui obligea les vaincus à construire la forteresse d’Ologitum (Olite).

 

    

Dagobert, maître d’une partie de la Vasconie.

 

Les Wascones désigne avec un W, dès 602, tous les habitants du duché de Wasconia au nord des Pyrénées et l'on ne peut prétendre que tous soient descendus des Pyrénées, éliminant les anciens habitants. Ce qui est évident c'est que ces montagnards servent de référence à tous, que leur nom est devenu symbole d'unité, ce qui se vérifie aisément.

Ducs de Vasconie et d’Aquitaine

602 GENIAL Dépendant des Francs Duc de Vasconie
626 AIGHINAN Dépendant des Francs Duc de Vasconie
638 AMAND (Boggis) Dépendant des Francs Duc de Vasconie
660 FÉLIX Indépendant Duc de Vasconie et d’Aquitaine
670 LOUP I OTXOA Indépendant Duc de Vasconie et d’Aquitaine
710 EUDES LE GRAND Indépendant Duc de Vasconie et d’Aquitaine
735 HUNALD I Indépendant Duc de Vasconie et d’Aquitaine
744 WAIFRE (Gaiferos) Indépendant Duc de Vasconie et d’Aquitaine
768 LOUP II Dépendant des Francs Duc de Vasconie
778 LOUP SANZIO I Dépendant des Francs Duc de Vasconie
812 SIGUIN En rébellion Duc de Vasconie
816 GARZI-ENEKO (nes) En rébellion Duc de Vasconie
819 LOUP III ZENTULO «Wasco» En rébellion Duc de Vasconie
823

 

En l’année 626, la souveraineté franque est remise en question avec un soulèvement des Vascons contre les Francs. L’autorité de Genialis, comme celle de son successeur Aighinan, chef saxon, était plus ou moins effective car les Vascons semblent s’en être soustraits à la suite de cette révolte. En effet, il semblerait qu’ils soient déjà indépendants à la mort de Clotaire II en 629, lorsque son fils Caribert II reçut en partage le "royaume de Toulouse".

 

Afin d’apaiser les tensions en Aquitaine, le roi doit se faire représenter en Aquitaine. Poussé par son oncle Brodulf, Caribert réclame son dû. Dagobert ne lui laisse pour territoire que le royaume d’Aquitaine, créé pour l’occasion. Ce royaume a Toulouse pour capitale et englobe l’Aquitaine méridionale jusqu’au Pyrénées avec comme principales villes Agen, Cahors, Périgueux et Saintes. Aidé par les ducs Gascons et Egina ou Aighinan ainsi que par d’autres ducs et comtes, il envoie des troupes sur les principaux lieux de rébellion. Il repousse les Vascons ibériques ainsi que leurs alliés bascophones, soumettant l’autorité royale à toute l’Aquitaine. Le duc Egina s’installe avec ses troupes aux bords des Pyrénées. Lorsque Caribert rejoignit Toulouse, il reçoit un légat de Dagobert pour le complimenter de sa victoire.

 

 

Une identité régionale est née, appuyée comme toute son histoire sur la montagne, et sans doute fortifiée par un afflux de montagnards pendant le VIe siècle. C'est qu'il existait dans la province des Neuf Peuples des terres disponibles, celles que les Goths abandonnaient peu à peu. Certes tous les Goths ne sont pas partis et la toponymie les repère encore pendant la période franque. Mais ceux qui sont partis ont laissé derrière eux de vastes terres souvent négligées et qui avaient besoin d'une remise en état. La compétition a été ouverte entre les Francs qui ne s'installèrent qu'en petit nombre au VIe siècle et parfois de façon provisoire et les montagnards proches. Achats avantageux peut-être mais plus assurément successions et alliances ont mêlé les derniers Goths eux-mêmes en partie « provincialisés » aux partenaires régionaux. Les montagnards furent le levain de ce nouveau peuple et lui servirent d'éponyme. Ils firent revivre les vieilles traditions, rendirent aux Neuf Peuples une partie de leur mémoire car les temps pré-romains avaient connu ici et là de semblables fondements, c'est ce que montrent traditions et toponymes les plus anciens. Le duché renouait en termes nouveaux avec une histoire antérieure à la romanité. C'est une des particularités de cette époque et cela en bien d'autres régions. Le « duché » est une forme de pouvoir et d'assise territoriale parfaitement bien adaptée à cet exemple régional. Les Wascones constituent un peuple unifié qui manifeste dès le début du VIIe siècle, c'est-à-dire dès la mise en place du duché portant leur nom, esprit d'initiative et sens politique. Le royaume franc est pour l'heure unifié lui aussi et il peut encore surveiller ce pouvoir montant. Mais jusqu'à quand ? Jusqu'où ? Lorsque Dagobert succéda à son père, il comprit la situation. Il allait inventer un royaume auquel ses prédécesseurs n'avaient pas songé.

La Vasconie faisait certes partie du royaume que son demi-frère aîné Dagobert Ier avait créé pour lui, mais il dut en faire la conquête. Cette dernière s’achevait à peine lorsque mourut Caribert II, bientôt suivi dans la tombe par son fils et successeur, Chilpéric, décédé à l’âge de 6 mois... Toutefois, Charibert II avait eu deux filles : Phligberthe qui épousa Bertrand de Bordeaux et Ode, mère de Loup Ier qui réussira à récupérer l’héritage de son grand-père maternel.

En décembre 630 ou en janvier 631, Dagobert parraine Chilpéric, le nouveau-né de Caribert II et de Fulberte. Caribert est malade de dysenterie ou de tuberculose, ce qui engendre des troubles causés par les seigneurs aquitains ainsi qu’une crainte de rébellion vasconne ou éventuellement d’offensive visigothe. En 632, Caribert II mourut et Chilpéric, son jeune fils, quelques temps après. Dagobert Ier rattacha le royaume d’Aquitaine au regnum francorum. Au VIIe siècle, l’Aquitaine devint indépendante.

En 635, une armée franque est battue en Soule mais la Vasconie semble soumise en 635 sous Dagobert (qui réunifie le royaume de Clovis). Dagobert, devenu seul maître de la Vasconie, eut à combattre en 635 une révolte les Vascons qui, battus, lui firent alors allégeance.

En 641, il y a un autre grand soulèvement vascon et en 648 on combat au sud contre Recceswinth. Pendant cette période, au Nord, es Francs essayent de dominer les Vascons en imposant les ducs sous tutelle Genealis (602-626), Aeghinius (626-638) et Amand (638-660). Au IVe Concile de Tolède de 633, présidé par Isidore de Séville, qui est une assemblée politico-religieuse de la monarchie wisigothique, ne figure pas l’évêque d’Elusa, ce qui indique que la ville était possédé de nouveau par les Vascons. En 634, ce dernier est accusé d’avoir pris part le soulèvement vascon.

Les rois fainéants qui lui succédèrent ne s’intéressèrent guère à la Vasconie qui, avec l’Aquitaine, reprit peu à peu son autonomie. Le pouvoir franc, trop occupé à se battre contre la Neustrie, puis contre les Germains laissa s’installer un nouvel ordre.

À la fin de la campagne visigothe de 653, les Vascons infligent de lourdes pertes au nouveau roi Récesvinthe.

4.1 - Indépendance Vasco-aquitaine de 660 à 768

Entre 660 et 670, suite à l’alliance entre l’aristocratie aquitaine et les Vascons, le royaume de Toulouse réapparut quoiqu’en cachant son nom, avec le choix de Félix comme chef, patrice de Toulouse. Le titre de « patrice » fut porté par des notables gallo-romains au VIe siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de « patrice » était donné au commandant des armées et les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le Duché de Vasconie, uni avec celui d’Aquitaine, jouit d’une pleine indépendance. Cette union vasco-aquitaine est constituée avec une importante puissance militaire et politique dans cette partie de l’Europe. Les Vascons fournissent à l’aristocratie aquitaine des garnisons de la Garonne à l’Èbre. Les Vascons sont des cavaliers légers, maniant la lance et l’arc sur des montures qui s’adaptent à une topographie accidentée (Wasconum saltus). Les Vascons ont une société hierarchisée fondée sur le serment réciproque entre ses chefs guerriers, héritage romain du sacramentum.

L’artisan de ce nouvel État ducal est le duc Félix (660-670) qui est de lignée vasconne. Il fut remplacé par Loup Ier de Gascogne (Lupus, Lupo I Otxoa, « le Loup » ), couronné duc d’Aquitaine et de Vasconie en 672. Ce dernier est le fils supposé de Bogue (Boggis) de Comminges et de Ode d’Aquitaine (fille de Caribert II et de Gisèle de Saint-Amand d’Elnone), et mourut en 710 (Bogue de Comminges étant le fils de Eudes de Comminges lui-même fils de Bertrand de Bordeaux, comte-Evêque de Bordeaux.).

En 668, Lupus ou Loup fédère les Vascons (les Basques) et les Aquitains romanisés ou Proto-basques (les Gascons), et devient duc (ou prince) d’Aquitaine pour se détacher du royaume franc et continuer à être indépendant. Vers 672, l’autorité de Childéric II est reconnue sur l’Aquitaine par le concile de Castres-sur-Gironde. Le seul événement militaire pendant ces deux gouvernements est la guerre de Wamba contre les Vascons les plus méridionaux (673). Avec la montée en puissance du duc Eudes « le Grand », l’état vasco-aquitain est à son apogée territoriale. Tout conduisait à la stabilisation et la consolidation de cette nation basque avant que ne se produise une nouvelle catastrophe comme l’invasion musulmane de 711, à peine une année après qu’Eudes ait pris les rênes du pouvoir.

 

 

Propriétaire du royaume franc, l’aventureux Charles Martel devient aussi un danger aussi grand que les musulmans. En 719, tombe Pampelune aux mains des Arabes, et en 721, Eudes met en échec les musulmans à Toulouse. Fort de sa victoire, le duc d'Aquitaine voulut prévenir le retour des musulmans d'Espagne en s'alliant à Munuza, gouverneur berbère et musulman de la Septimanie. Munuza était en révolte contre ses coreligionnaires d'Espagne. Eudes lui donna sa fille en mariage. Mais Munuza fut tué en affrontant le gouverneur d'al-Andalus Abd el-Rahman qui, dans la foulée, lança une expédition punitive contre les Aquitains. Il engagea donc en 732 une double offensive en Aquitaine (de la Vasconie depuis l’Ebre, en passant par Pampelune et traversant Roncevaux), du côté de la Gascogne, et dans la vallée du Rhône. Ayant déjà subi l’échec devant Toulouse en 721, le wali d'Al-Andalus nomma le général Abd al-Rahman à la tête des troupes berbéro-musulmanes, celui ci traversa les Pyrénées à la tête de son armée et pénétra en Aquitaine où il infligea au duc Eudes une défaite à la bataille de Bordeaux. La bataille vasco-aquitano-musulmane a lieu dans les alentours de Bordeaux. Abderrahmane, vainqueur, parcourt victorieux la Vasconie et l'Aquitaine en pillant et en incendiant des villes et les populations. Arrêté dans sa chevauchée par les troupes de Charles Martel, le général trouva la mort au cours en 732 à la célèbre bataille de Poitiers. Durant cette bataille, les vasco-aquitains avec leurs ennemis, les Francs de Charles Martel, battent les musulmans dans journée mémorable. C'est vers cette époque qu'est née la langue d'oc, qui comprenait l'Aquitaine des Pyrénées au seuil du Poitou (sauf le Pays Basque). Dans le domaine de la langue d'oc, il y a aussi l'auvergnat, le provençal, ainsi que le catalan. La langue d'oc s'appelait alors le roman, langue populaire du sud, en descendance directe du latin, par opposition au français (ou langue d'oïl) de l'Ile-de-France, langue policée par les Francs et les Normands (de Nor (Nord) man (homme) ou Hommes du Nord qui sont des Vikings) dans sa prononciation.

 

 

En 735, meurt Eudes le Grand et laisse le duché à son fils Hunald I. Charles Martel profite de l’occasion pour dévaster l’Aquitaine en traversant la rivière de la Loire et ce jusqu’à Bordeaux. Puis il retourne ensuite à sa patrie.

En l'an 738, une garnison Maure occupe déjà Pampelune et pendant tout le VIIIe siècle, le pouvoir alterne entre les autochtones et les envahisseurs. Les habitants se trouvant sur la frontière avec les terres d’Alava luttent contre les conquérants. La lutte contre les Francs et les musulmans se complique depuis 743 avec l’arrivée des premières avancées asturienne d’Alfonse I qui fait irruption dans les zones vasconnes, de la Rioja et la région alavaises. En 744, Hunald abdique et arrive Waifre, qui possède davantage de connaissances au niveau militaire. Pendant le gouvernement du duc Waifre (744-768), on profite de la conquête d’Aquitaine et de la Vasconie au dépend des Francs. En 749, Waïfre voulant acquérir son autonomie dans son duché, accueille favorablement Griffon qui vient se réfugier chez lui après s'être révolté contre son demi-frère Pépin le Bref (751 à 768). Ce dernier est le fils de Charles Martel et le premier roi de la dynastie carolingienne. Ensemble, ils vont lutter contre le roi des Francs qui envahit l'Aquitaine en 760 afin de faire respecter les droits du clergé à Waïfre. Après s’être soumis une première fois, le duc d’Aquitaine se révolte de nouveau en 761, puis chaque année jusqu’en 768, provoquant à chaque fois une réaction punitive de Pépin.  

Le 756, le califat de Cordoue (VIIIe-Xe siècle), est fondé mais ne connaîtra son apogée que sous Abd al-Rahmān III (912-961), et les Vascons les plus occidentaux se soulèvent contre les Asturiens qui les envahissent. Il s’agit des terres Bureva (Burgos) et d’Alava. Durant la même année Abderraman I envoie Yusuf se battre contre les Vascons mais il est mis en échec. 

Le duc Waiffre est traîtreusement assassiné en Périgord en 768. C’est la fin d'une première lignée héréditaire de ducs aquitains (poitevins). Lupus II garde le titre de duc mais devient dépendant des Francs. L’assassinat de Waifre facilitera en fait la conquête d’Aquitaine et de la Vasconie par les envahisseurs Francs. Les Francs réincorporent ces territoires à leur Empire.

4.3 - Lutte armée pour l’indépendance de 768 à 824

Troisième période va de 768 à 823. En 768, Pépin s’empare de Bordeaux et réussit à capturer à Saintes la mère, la sœur de Waïfre et ses nièces. La situation vasconne est désespérée. La Vasconie est la scène de grands événements telle que la célèbre bataille de Roncevaux le 15 aout 778, dans lequel est mise en échec la grande armée de Charlemagne venu attaquer Saragosse en passant par Pampelune. Les Banu Qasi, descendants de Cassius, étant les maîtres des rives de l’Ebre. Ils établirent des relations de parenté avec certaines familles Musulmanes de la frontière. Toutefois il y a un fait qui favorise les Vascons situés à l’ouest, c’est l’état des luttes intérieures dans lequel se trouve le royaume asturien.

Le danger est tel que le monarque Alfonse I s’enfuit de son royaume et se réfugie chez sa mère Munia, en terre alavaise (783). Tout le midi vascon est le fait d’armes : armées de musulmans contre les frontières alavaises, rébellion de Pampelune avec la mort du chef Mutarrif (798), défaite musulmane d’Arganzon (801) et conquête de Tudela par les Vascons et la Banukasis (Les Banu Qasi / Banū Qāsī était une importante famille muladí ou métis, dont les domaines se situaient dans la vallée de l’Èbre entre les VIIIe et Xe siècles, alors que cette région faisait partie de l’Hispanie musulmane). Les habitants du sud de la Vasconie agissent pour leur propre compte alors qu’entretemps ceux du nord collaborent les Sanche Ier Loup de Gascogne, pro-carolingien pour la prise de Barcelone en 799.

 

L’état vasco-aquitan au temps d’Eudes « le Grand » (710-740)

Carte de Garikoitz Estornés Zubizarreta

 

L’acte qui provoque la naissance du royaume de Pampelune.

Défaite des comtes Eblus (Ebles) et Aznar (Assinaire), vassaux francs, en 824 selon une gravure des Annales de Navarre de P. Moret (1684-1709)

 

 

En 781, Charlemagne confie le royaume d’Aquitaine à son fils Louis le Pieux. Sanche Loup y est amené et le roi Louis lui rend quelques années plus tard le duché de Gascogne. En 801, Sanche Loup accompagne Louis le Pieux lors de la conquête de Barcelone et le seconde dans la création de la marche d’Espagne. Il participe à d'autres expéditions entre 804 et 812. En 806, les Carolingiens dominent la Navarre et entre 810 et 823 tout n’est que lutte sans trêve contre les Francs et les musulmans. Dans l'année 812 ,une deuxième bataille à Roncevaux abouti à une impasse car cette fois-ci les Francs prennent de plus grandes précautions qu'en 778 (pendaison pour l’exemple et la prise d’otages civils basques retiendront les Vascons). Fait à noter que les intérêts économiques entre les Carolingiens et le musulmans étaient à la base des marches vers l’Espagne et donc sécuriser les voies commerciales.

Avec le décès de Charlemagne, des troubles en Vasconie se produisent. Le nouvel empereur, Louis le Pieux, envahit la Vasconie.

En 812, à la mort d’Aldaric de Gascogne, Skiminus, son fils, prend le pouvoir dans le gouvernement de Haute-Vasconie. Louis-le-Débonnaire l’enlève en 815, ce qui provoque les foudres de tous les Vascons qui nommèrent son fils Garsimire alors que Sanche Loup, duc de Gascogne, en occupe aussi une partie.

- 816-819, le tournant. Une guerre de 3 années.

En 816, Sanche Loup, duc de Gascogne, et son frère Garcia Loup, comte de Dax, avaient été tués lors d’une bataille contre les Maures, et le duché de Gascogne est confié à Loup Centulle et à Garcia Centulle son frère.

En 817, Louis le Pieux confie le royaume d’Aquitaine à son fils Pépin Ier. Entre 817 et 819, Pépin Ier attaque Garsimire, tandis que le duc Bérenger et le comte des Arvernes, Garin attaque Loup Centulle et Garcia Centulle (Garzi-Eneco), mais tous les Vascons sont vaincus. Garcia est tué tandis que Loup est exilé. N’ayant pas eu de descendance, Loup est le dernier de la lignée des Eudes de Gascogne. En 824, la Troisième bataille de Roncevaux a été peut-être la plus importante des trois, où les comtes Eblus et Aznar, vassaux francs, ont été capturés par les forces conjointes d'Iñigo Arista et de Qasi Banu, consolidant ainsi l’indépendance des deux mondes basques. C’est l’acte qui provoque la naissance du royaume de Pampelune. Les francs consolides leurs acquis dans le duché de Gascogne

C'est le début d'une « Wasconia citerior » indépendante appelée le royaume de Pampelune et d'une « Wasconia ulterior » déjà appelé duché de Gascogne mais désormais dépendante des Francs.

5- IXe au XIe siècle : Naissance du royaume indépendant de Pampelune de 824 à 1076

La stabilité du nouveau Royaume de Pampelune dépendait pour bonne partie des circonstances suivantes : il est à cheval entre l’Empire Franc et la frontière musulmane est protégée par des alliés comme les Banukasis. Eneko « Arista » assume la direction de la famille basque depuis Pampelune, clairement, depuis le seul lieu ayant la possibilité de restaurer l’indépendance de la Vasconie démembrée depuis 768. Depuis l’année hasardeuse de 824, Pampelune va être la capitale basque et le centre de la résistance. Eneko devra assumer beaucoup de problèmes graves comme ceux-ci : L’union des Basques vivant dans différents secteurs entourant Pampelune. Les relations des Vascons ultra pyrénéens, les comtes du Pays basque citérieur et ultérieur. La restauration de la frontière occidentale d’Alava, régie par les Velascos et les Velas. Le maintien de l’alliance avec la famille Banu Kasi tout en renforçant les liens familiaux déjà existants. Eneko « Arista » fait face ainsi à Pépin I d’Aquitaine en contenant une émancipation du pouvoir franc et du pouvoir musulman. L’histoire du nouveau Royaume ouvre un processus d’intégration basque dont le point d’appui est la ville de Pampelune et les secteurs et les vallées qui l’entourent. La terre ainsi libérée est protégée au nord par les vallées pyrénéennes et au sud par l’accord avec les Banukasis, estampillées avec des liens matrimoniaux.